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Un visiteur
5,0
Publiée le 16 septembre 2008
Musicalement c'est passable,en partie à cause de la traduction en norvégien. Les voix ne sont pas sensationnelles. Cependant, je mets quatre étoiles car le travail sur l'image est tel que l'on oublie les défauts cités précédemment. Les chanteurs acteurs sont parfaitement crédibles, et l'œuvre en ressort bien servie.
A lheure où paraît une nouvelle adaptation de la « Flûte enchantée » revoyons celle que nous offrit Ingmar Bergman en 1975. Dans ce grand classique, Bergman, fidèle au thème cher à son uvre, avait fait de Sarastro et de la Reine de la Nuit un couple qui se déchire, ce qui nest que suggéré chez Mozart. K. Branagh poursuit aujourdhui cette idée et porte un regard incisif sur les relations mère-fille. En revanche, alors que Bergman, conformément au livret, met longuement laccent sur linitiation maçonnique, Branagh élude cet aspect en remplaçant les épreuves du feu et de leau (qui paraissent facilement franchies chez son prédécesseur) par des obstacles réels à surmonter en pleine guerre mondiale. Les images de Bergman sont superbes: les flammes des enfers, les mains émergeant du fleuve de loubli sont particulièrement impressionnantes. La Reine de la Nuit en armure noire et coiffée dun casque antique, venant affronter Sarastro, est poignante tandis que lors de son deuxième air son visage prend une lividité cadavérique (vocalement en revanche ce nest pas exceptionnel). Dans des éclairages sublimes, les visages de Tamino et Pamina ont les lueurs de tableaux de Vermeer. Mais Bergman qui délibérément fait de lopéra filmé me paraît aujourdhui un peu statique et hiératique surtout dans les scènes du temple de Sarastro. Les visages des chanteurs reflètent peu leurs sentiments, on sent une certaine froideur loin de lempathie que la nouvelle version provoque. Chez Bergman cest une belle interprétation vocale, mais manquant délan. La beauté formelle et lidéal maçonnique sont mis en avant, chez Branagh ce sont lémotion, lamour passionné dun jeune couple très épris. Une femme, la mère, déchirée, aveuglée par la haine quelle éprouve pour un homme totalement différent de lidée quelle veut en donner, fait le lien entre ces deux visions, qui se complètent et senrichissent mutuellement pour notre plus grande joie.
Bergman a 55 quand il s'attaque à la réalisation de l'adaptation cinématographique de l'opéra de Mozart. Après les films très durs et très noirs des années 60, il semble avoir réussi à exorciser certains de ses démons. Son cinéma en devient alors plus apaisé. "La flûte enchantée" représente, dans ce contexte, certainement le film le plus lumineux et le moins "grave" de sa carrière. Passionné par l'opéra de Mozart depuis tout petit, il réalise donc ici son rêve d'enfant et retranscrit merveilleusement, par sa mise en scène, l'émerveillement qui était alors le sien. Le film se déploit ainsi comme un conte, un rêve, bercé par la sublime musique de Mozart, dont on connaît certes de bien meilleures interprétations, mais qui reste tout de même de qualité. Mais il ne faudrait pas croire que cette légèreté de ton, inhabituelle chez Bergman, en fait une oeuvre mineure du cinéaste suédois. Dès la première scène, durant laquelle Bergman filme, sur la musique d'ouverture, les visages et les regards tendus du public scrutant la scène, on sait que l'on regarde l'oeuvre d'un maître. Cette symphonie de portraits en parfaite harmonie avec la musique est absolument superbe, nous donnant à visualiser la musique aussi bien dans sa forme (l'enchaînement des plans en accord avec le tempo musical) que dans ses effets (les expressions des visages). Lors de ce premier coup d'éclat, Bergman arrive presque à surpasser Mozart, rendant l'image plus forte que la musique. On retrouvera ce génie dans bien d'autres séquences comme lors du célèbre chant de la reine de la nuit avec un gros plan inquiétant sur son visage vieilli, ou encore dans toute la fin du film et notamment lors de la traversée des enfers avec des trouvailles de mise en scène absolument fabuleuses. Tout comme la flûte, on est enchanté à la vision de ce très beau film et de son éternel message d'amour. Indiscutablement, la meilleure adaptation cinématographique d'un opéra jamais réalisée.
Avec le Don Giovanni de Losey, c'est le meilleur opéra cinématographique de l'histoire du cinéma. Bergman a l'intelligence de transposer l'oeuvre de Mozart en y démontrant son style, fait de nombreux gros plans éblouissants, nous amenant aux coulisses d'un spectacle superbe et ultime, d'une fluidité ahurissante. Les comédiens sont tous excellents et Bergman nous pousse à réfléchir sur le processus de création. La flute enchantée est un film inoubliable.
L'adaptation bergmanienne (1974) de «La flûte enchantée» de Mozart constitue l'autre grande réussite dans le «genre» du «film-opéra»! L'option du réalisateur suédois est cependant diamétralement opposée à celle de Losey. Avant tout homme de théâtre (de son propre aveu), Bergman ne cherche en aucune manière à extraire l'opéra de Mozart de son milieu d'origine. Il fait tout le contraire. Son film vise à magnifier ce lieu magique que constitue une scène de théâtre et le tournage a été entièrement réalisé sur les planches d'un petit théâtre suédois du XVIIIème siècle, celui de Drottningholm, reconstitué en studio. La distribution musicale n'a pas ici la magnificence de celle du film de Losey, mais l'ensemble est très honnête et surtout très homogène. Par contre, la mise en scène est tout simplement enchanteresse et éblouissante de poésie. Bergman substitue au rite d'initiation maçonnique à la base de l'oeuvre de Mozart l'évocation d'un conflit familial à l'image des «Scènes de la vie conjugale». Pamina apparaît ici comme la fille issue du couple déchiré formé par la reine de la nuit et Sarastro. Et cela fonctionne, contre toute attente, merveilleusement! Mon seul regret porte sur l'usage du suédois en lieu et place de l'allemand original. La musicalité spécifique des deux langues n'est pas la même et certains passages y perdent en acuité. Mais ce bémol est incapable d'atténuer mon émerveillement. Merci Wolfgang et merci Ingmar!