Ce film de Michel Gomes, c’est tout d’abord un beau format : 4/3. Et aussi une « couleur » : le noir et blanc.
Il débute par des images faisant penser à des films du début du siècle dernier, un peu saccadées. A ce moment-là, j’ai pensé (presque à mon insu) que j’allais trouver ce film un peu long.
Un explorateur enjambant militairement des herbes de savane, une jeune femme défunte lui apparaissant, le désespoir de l’explorateur se jetant dans l’eau et des Africains dansant en cercle. Dès ces premières images, le film est fortement connoté, ancré dans une certaine vision du monde, où je ne me suis pas sentie à l’aise.
Ce film, c’est ensuite une musique, une partition de piano (Joana Sà) entêtante, géniale, collant parfaitement à ce film souvent muet, qu’elle débute et termine.
C’est aussi une version de 'Be My Baby', en espagnol avec un fort accent américain. L’empreinte de l’Occident est perceptible à beaucoup de niveaux dans ce long-métrage.
Découpé en deux parties, deux époques qui s’entremêlent au gré du film.
La première, Paraiso Perdido, c’est le présent se déroulant à Lisbonne. Y gravitent une vieille dame blanche et sa ‘servante’noire, ainsi qu’une voisine pleine d’empathie (j’ai trouvé l’actrice très convaincante).
La seconde, le passé appelé Paraiso, se situe en Afrique. Une Afrique « coloniale », où il fait chaud et humide, où les alligators s’élèvent et se gardent par caprice étrange, où passent de long en large sur l’écran des noirs portant les coffres des blancs, les servant, courant après les voitures, attrapant les alligators, des noirs réduits à l’image car réduits au silence. Une Afrique où la vieille dame blanche était jeune, une Afrique où elle a aimé.
C’est l’histoire d’un amour impossible, contrarié, qui comme tout amour impossible laissera une empreinte indélébile. Ce sera ici une empreinte de mort, de culpabilité, de péché qui doit être expié.
Je suis sortie un peu gênée de ce film qui déjà dans la bande-annonce était littéralement « porté » par la critique.
Formellement, je n’ai rien à dire, il ressemble à un chef d’œuvre. Le noir et blanc est utilisé à la perfection (surtout dans Paraiso Perdido), il rend émotion, amertume, carnations plus vraies que nature. La vapeur du fer à repasser ou la fumée des cigarettes ont rarement été aussi sublimées.
La scène de la rencontre est parfaite, silencieuse, tendue. Celle d’amour, accompagnée d’une question magnifique, l’est tout autant, présageant du pire. Enfin, celle du vieil homme et de ses larmes dans la voiture nous montre que malgré le temps, le souvenir de l’amour est intact dans le regard.
Critique complète (et d'autres): http://www.clairedanslessallesobscures.com/article-tabou-113723662.html