Tabou c'est le film qui faisait fureur auprès de la presse spécialisée au moment de sa sortie. Ca doit être le seul film portugais que j'ai vu je crois. En tout cas j'y suis allé sans rien connaître du film, comme très souvent. J'en suis ressorti assez émerveillé.
Je ne répéterais jamais assez ce qui a été dit avant, le film se scinde en 2 parties. Le "paradis perdu" et le "paradis". La gueule de bois avant l'ivresse selon les dires de Gomes et c'est exactement ce qu'on ressent pendant tout le film. La scène d'introduction nous perd d'entrée de jeu mais nous indique quelque part le drame à suivre. Tabou c'est l'histoire d'une passion, l'histoire d'un temps qui passe mais qui n'efface pas les douleurs passées, l'histoire d'un film qui m'a pris progressivement pris par les tripes pour mieux me hanter à la sortie de la salle. La première heure du film m'a intrigué. Je ne l'ai pas trouvé palpitante mais ça met tout simplement en place le décor de la seconde partie mais ça forcément on le comprend à la fin. Beaucoup critiquent cette partie mais pour ma part elle m'a assez plu bien que je ne voyais pas où ça en voulait en venir sur le coup. Pilar, femme d'une cinquantaine d'années, vit seule avec pour voisines Aurora, une vielle femme, et sa domestique africaine. Cette partie transpire de mélancolie, de tristesse, de noirceur sans pour autant abandonner toute forme de lyrisme. Puis la réalisation est impeccable, agrémentée en plus d'une photographie belle à en pleurer. On désire savoir ce qui se passe, qui sont ces femmes, quels secrets cache Aurora. Le lien est en partie élucidé par la suite après une transition magnifique.
La seconde partie du film est la meilleure, incontestablement. Aurora, Tabou... Quelque part Gomes ne cache pas une certaine admiration envers Murnau, l'un des piliers de l'expressionnisme allemand et accessoirement l'un des plus grands formalistes de l'histoire du cinéma. Ce côté hommage est présent dans cette partie "Paradis". Le noir et blanc perd de son teint parfait pour laisser place à un grain qui nous balance, par lui seul, 50 ans en arrière. Une partie muette de tout dialogue et dont la seule bande-son sera caractérisée par les bruits de la nature, de la musique et la voix-off de l'ancien amant. Histoire de relancer une petite pique envers un certain film muet récent archi-oscarisé, Tabou est tout le contraire de cette pastiche moyenne et pas subtile pour deux sous. Ici c'est juste, touchant et surtout modeste. C'est pour le coup un vrai cri d'amour lancé au cinéma. Puis tout ça sans running gags avec des chiens qui font des galipettes. Puis vient l'histoire d'amour. Comme je l'ai dit avant, Tabou c'est l'histoire d'une passion aussi brève qu'intense. Le genre de passion qu'on voit assez souvent au cinéma à vrai dire mais là est la force du film. Faire du neuf avec du vieux, remettre le mélodrame au goût du jour sans le sur-appuyer. Après j'aurais souhaité que le cinéaste laisse l'image parler davantage mais d'un côté, j'ai trouvé la voix du narrateur accrocheuse. Je me suis attaché à ces personnages mine de rien et cette seconde partie m'a ému. je la trouve tout simplement excellente à vrai dire et je pense que si revoyais le film avec maintenant les clés en main je l'apprécierais davantage. Mais bon on va se contenter de ce qu'on ressent pour l'instant et ça me satisfait pleinement. J'adore ce film pour sa beauté, ses partis pris, son audace, son intelligence et l'émotion qu'il m'a procuré tout simplement. Quelques maladresses et peut-être le manque d'un petit quelque chose, mais en tout cas Tabou est un de mes gros coups de coeur de l'année 2012.