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Raw Moon Show
138 abonnés
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3,5
Publiée le 20 novembre 2014
Le tout début n'est pas rassurant. On est empêtré dans un présent immobile et à certains égards on pense à du film d'auteur dans ce qu'il peut avoir de plus prévisible et de plus énervant. Plans interminables, silences censés en dire long, visages interdits... Et puis voilà il s'agit forcément de la chronique d'une vieillesse aux abois dans un quartier populaire de Lisbonne... Bref ça va heureusement vraiment décoller dans la deuxième partie formellement très travaillée (noir & blanc, muet) avec ce récit initiatique qui nous est conté au passé, en privilégiant une narration simple et pleine d'une candeur délicieuse. Une passion dévorante et paradoxalement quelconque, sans surprises. C'est d'ailleurs la limite de Tabou qu'on pourrait résumer à une moralité connue de tous : les Histoires d'amour finissent mal en général, même sous d'autre cieux, même en terre colonisée, même en noir & blanc, même aux temps reculés du cinéma muet ...
Mon film préféré. La mise en scène est une merveille d'inventivité, le scénario béton, les acteurs formidables. Le cinéma, c'est un lieu où l'on devrait voir plus de films de cette trempe.
La première partie m'a un peu fait peur, lente, sinistre, incompréhensible, j'ai un peu lutté pour ne pas m'endormir. La deuxième en revanche est très belle. Image magnifique, beau travail sonore, et histoire d'amour vibrante. J'ai bien fait de résister.
D'abord, "Tabou" surprend par sa forme narrative, ses partis pris osés et plutôt risqués de la séparation en deux parties et du récit dans le récit qui constituent son ossature. Son charme profond se trouve toutefois ailleurs, dans cette évocation d'un passé magnifié dans lequel l'insouciance flirte avec le morbide en toute légèreté. Rarement la nostalgie aura été aussi belle au cinéma.
Un film magnifique, réalisé avec beaucoup d'audace et de poésie. Miguel Gomez se démarque ici de tout ce qui a pu être créé auparavant et s'affranchit des standards du cinéma pour nous offrir une œuvre singulière sacrément culottée. La beauté de la chose réside surtout dans le fait que le dispositif de mise en scène n'est jamais accessoire ou gadget : le noir et blanc renforce l'immense mélancolie du film, le jeu avec le son et la caméra souvent fixe permettent une omniprésence du hors-champ et donc de l'imagination. Le rêve est toujours présent et il se dégage du film une immense poésie et des torrents d'émotions. Au-delà de ces aspects poétiques, le cinéaste n'oublie pas d'être totalement ancré dans la réalité et réussit donc à nous délivrer une œuvre absolument moderne. En bref, un sacré film et un moment extraordinaire.
Curieux film, scindé en deux parties radicalement différentes. La première, contemporaine, est constituée de petites scènes quotidiennes hétéroclites, où l'on cherche, un peu dérouté, un fil directeur dramatique. L'histoire est plus ou moins centrée sur un personnage, Pilar, dont on ne va plus se soucier après une bonne demi-heure de film. La seconde partie, "historique" et romanesque, se déploie sous la forme d'un très long flash-back, avec un fil directeur chronologique et classique. L'histoire est celle d'Aurora et de Ventura, couple adultère en terre africaine, héros tragiques d'un mélodrame exotique à la Karen Blixen. Miguel Gomes aime visiblement jouer avec des codes et des modes de narration différents, emmener le spectateur là où il ne s'y attend pas, jongler avec les tonalités. Il ose et c'est surprenant. Il ose le lyrisme et l'aventure des mélos surannés, tout en les accompagnant d'une dérision en coin, de petits décalages humoristiques. La voix off très littéraire, le choix du noir et blanc, les références à Murnau et aux films d'aventures muets, tout cet univers référentiel classique va de pair avec diverses expérimentations stylistiques (notamment sonores - le flash-back est sans dialogue mais avec des prises de son réelles). Le cinéaste ose également revisiter l'Histoire (le colonialisme, la guerre d'indépendance au Mozambique) à l'aune de sa fiction... Il y a dans cette liberté d'invention et de création quelque chose d'à la fois plaisant et déconcertant, qui aboutit à un résultat intéressant mais bancal, tenant avant tout de l'exercice de style. Exercice de style qui a incroyablement emballé les critiques...
Tabou débute par un conte qui narre la mélancolie d'un veuf errant dans les plaines africaines. On s'attend alors à une oeuvre aussi triste que poétique, et ce pré-sentiment se confirmera.
Le film est divisé en deux parties: la première, 'Paradis perdu' raconte le quotidien d'Aurora, - autre bel hommage à Murnau - une vieille femme misanthrope qui vit à Lisbonne. C'est lors de la deuxième partie intitulée 'Paradis', lancée par Ventura que l'on découvre tout l'intérêt du personnage, et que le voyage commence. Ventura, qui fut l'amant d'Aurora un demi siècle plus tôt dans l'Afrique profonde, nous marque lors de la scène de rencontre, où dans un charmant silence les regards se croisent timidement.
La relation interdite de ses deux personnages nous bouleversent (Aurora étant enceinte d'un autre), la liberté présente dans leurs escapades nous éblouit et leur innocence (lorsqu'ils pointent du doigt des nuages en forme d'animaux) ne peut que nous toucher.
Leur relation ne pourra pas durer, ils se quittent, s'échangent des lettres pleines de romantisme et pleurent en écoutant la version espagnole de By My Baby des Ronettes (magnifique séquence), et nous nous sentons impuissants face à l’inconsolable tristesse de ces beaux personnages.
Miguel Gomes nous offre, dans un élégant noir et blanc (en 16mm dans la deuxième partie) un film d'une poésie bien trop rare, il nous propose un cinéma que l'on croyait perdu, un cinéma dans lequel une voix-off voluptueuse peut nous emporter dans un délicieux voyage que l'on n'oubliera pas de si tôt...
Gomes nous emmène avec habileté sur le terrain glissant de nos visions post-coloniales. Il le fait avec une impressionnante liberté, la sienne qui respecte la nôtre, une façon d'affirmer sa foi dans le cinéma des origines, celui de Murnau. Quand ses personnages voient dans les nuages des animaux, quand le romantisme le dispute au baroque, quand c'est un crocodile qui porte le récit, Gomes assume cette filiation critique. Dans la première partie, le passé semble tabou : il revient en force en tant que mythe dans la seconde. Ce n'est ainsi comme Miguel Gomes qu'en fouinant dans nos imaginaires qu'on pourra enfin faire des films plutôt que de sempiternellement nous faire un film sur notre passé et sur nous-mêmes. - Voir critique complète sur le site d'Africultures.
Voilà un film qui figure dans le palmarès cinéma 2012 des critiques du Monde , quatre des six critiques le considèrent parmi les cinq films les plus marquants de l'année...la presse dans son quasi ensemble couvre le film de louanges et parle de chef-d'oeuvre ... comment ne pas aller le voir ? j'avoue avoir été déconcerté par le noir et blanc, la rareté des dialogues qui laissent la place à la narration..j'ai eu un peu de mal à entrer dans le film et à comprendre où le réalisateur voulait m'emmener...la seconde partie est plus prenante, belle histoire d'amour que nous regardons dans le rétroviseur, dans une Afrique magnifiée par la photographie en noir et blanc et les atmosphères de légères brumes... restent quand même des longueurs...un parti pris d'esthétisme un peu pesant....un remake d'Out of Africa ? la passion amoureuse est sublimée par le jeu d'Ana Moreira et Carloto Cotta...qui sont magnifiquement beaux notamment dans la scène d'amour sous les voiles de la moustiquaire...De là à crier au chef d'oeuvre j'hésite...dans mon palmarès 2012 je préfère Amour de Michael Haneke et Gebo et l'ombre de Manoel de Oliveira...
Miguel Gomès jeune réalisateur portugais dont c'est seulement le troisième long métrage, nous emmène pour un voyage nostalgique dans le passé d'une vieille dame au temps pas si lointain des colonies africaines (Le Mozambique n’est indépendant que depuis 1975). Le travail sur la forme cinématographique de Gomès très particulier et novateur ne conviendra pas aux spectateurs trop rationnels pour qui le cinéma a une fonction unique de divertissement. Gomès sans doute cinéphile averti de toutes les techniques des anciens se les approprie pour nous offrir ce voyage à rebours dans le passé d'une femme qui comme la Meryl Streep de "Out of Africa" a autrefois tenu une ferme en Afrique (phrase prononcée par l’héroïne en voix off au début du film). En deux parties bien distinctes, "Paradis perdu" et "Paradis", Gomès montre le fossé qui sépare les deux mondes qu'aura connu Aurora au cours d'une vie marquée par un drame passionnel comme il en arrive partout à travers le monde et les époques. Devenue une vieille femme hantée par ses rêves, elle mène désormais une vie en miniature dans un immeuble de Lisbonne entre Santa sa femme de compagnie Cap-Verdienne, dernier vestige d'un monde colonial enfoui dans sa mémoire et Pilar sa voisine entre deux âges, à la vie trop sage qui se dévoue aux autres faute d'avoir connu les soubresauts de la passion. A travers les songes éveillées d'Aurora, Pilar pressent chez la vieille dame acariâtre un passé chargé d'un romantisme qu'elle pleure d'être disparu en écoutant au cinéma le soir du réveillon du nouvel an, "Be my baby" des Ronettes. Durant la semaine qui entoure le réveillon 2010, Gomès nous décrit la routine de ces trois femmes ramassées sur deux appartements qui souvent donnent l'impression de n'en faire qu’un. Mais Aurora part avec ses secrets et c'est Gian Lucas rencontré lors des obsèques selon la dernière volonté d'Aurora qui va de sa voix suave nous narrer le passé de celle qui fut sa maîtresse. S'ouvre alors la deuxième partie, "Paradis", avec la fameuse phrase : "Autrefois, Aurora tenait une ferme en Afrique" qui nous transpose comme par magie au début de "Out of Africa". Mais au technicolor flamboyant d'un Sydney Pollack décidé à nous faire partager le voyage , Miguel Gomès oppose un noir et blanc encadré dans un format 4/3 qui entend nous laisser dans le flou et l'imaginaire du récit . Impression renforcée par l'absence de dialogues comme pour ne pas nous distraire de la voix grave de Ventura qui a participé activement et dramatiquement à l'histoire d'Aurora. C'est ici que le style de Gomès s'affirme démontrant que le cinéma peut avoir aussi quelque chose à dire via le procédé décalé de la narration. Seuls les bruits ambiants nous plongent dans l'exotisme d'une Afrique où le colon sera toujours un étranger comme nous le rappelle la révolution qui gronde autour de la petite communauté. Le tour de force du jeune réalisateur est de nous restituer l’étrange impression ressentie devant les images muettes de certains documentaires historiques en leur insufflant une force dramatique qui nous emmène loin, très loin. Le prologue où un explorateur parcourt la savane sans but après la mort de sa bien-aimée peut-être vu comme un hommage aux films de Tarzan ou à King Kong mais aussi comme un appel au romantisme amoureux disparu et pleuré par Pilar. La démarche créative de Miguel Gomès peut s'apparenter à celle de Carl Theodor Dreyer qui en 1932 dans "Vampyr" réinventait l'écriture cinématographique pour nous faire pénétrer dans le monde des songes de ce monde inconnu qu'est l'hypnagogie. On peut aussi penser à Alexandre Sokourov qui pour son "Faust" se libéra respectueusement de l'ombre tutélaire du grand Murnau auquel Gomès a du fatalement penser en donnant "Tabou" (dernier film de Murnau) comme titre à son joli voyage dans les souvenirs d'une femme qui "autrefois avait tenu une ferme en Afrique".