Que d'éloges pour Tabou... Et je les rejoins, mais j'y ajoute une pointe sceptique. Parce qu'en fait, je suis complètement d'accord sur le fait que Tabou est un film magnifique. J'y reviendrai. Mais en premier point, il faut que je parle du découpage du film. Le film est en 2 parties, clairement distincte puisque Miguel Gomes nous parle d'un "Paradis Perdu Patie 1" et de "Paradis Partie 2". Les deux n'ont rien à voir du point de vue chronologique et geographique, même si les personnages sont les mêmes et qu'il y a une continuité dans les histoires personnelles bien évidemment. La premiere partie se déroule à Lisbonne, de nos jours, tandis que la seconde se déroule en Afrique et, en supposant un peu, plus précisément dans le Mozambique sous colonisation portugaise. La première partie évoque les derniers jours d'une femme, Aurora, aigri et un peu folle, accompagné par sa voisine Pilar et sa servante noire un peu spéciale Sarah. On la voit parler de rêves, dires des choses absurdes, perdre son argent au casino. Dans un dernier souffle, elle parle d'un mystérieux Gian Luca Ventura. Celui-ci arrive trop tard, mais se rend a l'enterrement pour y déposer une fleure. Il rencontre ensuite Pilar et Sarah, et raconte son histoire d'amour avec Aurora en Afrique... et bienvenue dans la partie 2, partie reconstitution. Cette deuxième partie est une merveille. Mais la première! En fait, l'effet gueule de bois, comme le dis Miguel Gomes, ce "choc" (la mort d'Aurora) qui rappel tout les souvenirs, est beaucoup trop long. Et lent. Et souvent inintéressant, ou très peu original. C'est rare venant de moi, je ne songe que très rarement à quitter une salle, mais j'ai faillit (ca aurait était une grave erreur) le faire quand je sentais les minutes passés les unes après les autres. On a l'impression de donner pendant allez quoi, une bonne grosse demi heure introductive (probablement plus même) dans du bon film social made in ibérique, rien que le nom de la voisine Pilar m'a tué -le nom qu'on entend partout pour les bonnes femmes-. La vieille Aurora aigri et délirante, des films sur les fins de vies, on en a vu pleins d'autres, et des beaucoup mieux. En fait, cette partie introductive est censé montrer la déchéance d'une vieille femme bourgeoise, pour introduire ensuite Gian Luca Ventura, mais celui-ci est comparativement à la longueur de la partie introductive trop rapidement présenté, j'ai eu la sensation que Miguel Gomes a complètement rater l'introduction des personnages. Mais bon bref j'abrège pour pas faire trop long sur la premiere partie d'intro -pour conclure, ratée- pour passer à la seconde partie -magique-. Une afrique idyllique, présenté comme le bon rêve occidental du colon, avec des paysages fabuleux, des terres infinies et pures, un état sauvage maîtrisé, de paisible servant noir, une vie bourgeoise loin des troubles occidentaux. Et une histoire d'amour, entre une bourgeoise riche héritière et un jeune aventurier un peu immature. Probleme classique, la bourgeoise est mariée mais son bougre de mari est en voyage (quel idiot!), il est certes friqué et beau gosse mais il a une tête d'ex-HEC vous voyez le genre? Bref Ventura (Carloto Cotta) lui est pas très riche, mais aventurier, sombre et surtout arbore un look de Johnny Depp (je ne sais pas si ca vous la fait, mais j'ai vraiment cru que c'était lui pendant un bon moment). Mais bon, s'il tate la bourgeoise encore c'est pas grave, mais celle-ci est enceinte de l'autre, la ca devient compliqué. Bon sous ces traits simplistes se cachent en réalité de véritables dilemmes, une naïveté touchante et surtout un conte de fée qui rappel la naïveté occidentale des années 50. Mais voila en fait, dans ce film, c'est surtout la poésie et la beauté qui nous touche plus que les scénario : que ce soit les acteurs qui jouent merveilleusement bien, surtout Carloto Cotta; la musique, qui évite tout classicisme, et qui apporte une pointe de romance et d'humour à l'oeuvre; et surtout la photographie fabuleuse de la savane africaine, le tout avec un noir et blanc qui n'est pas la comme un détail, mais qui sert surtout à marquer toute les nuances de la lumière. Et enfin le choix de la mise en scène, avec des acteurs volontairement muet, et seulement un narrateur en fond sonore qui nous raconte les episodes de sa vie ; tout cela pour rappeler l'idée de l'album photo, la nostalgie du temps idéale et perdue, une sorte de madeleine de Proust version colonisation. Bref tout est beau. Donc surtout, je vous conseil de voir Tabou. Armez vous pour les 30/40 premières minutes d'introduction passablement inutile, ne vous ruinez pas l'esprit à cause de cela (même si pour moi, le film perd 1 point cash pour ça), puis liberez vous et vibrez au rythme de se conte de fée pour adulte véritablement magnifique.