Les octogénaires Paolo et Vittorio Taviani (Padre Padrone, Good Morning Babilonia, Fiorile...) ont conçu un film singulier, entre documentaire et fiction, un va-et-vient habile entre le quotidien de la prison, les répétitions de la pièce de théâtre et la représentation en public. Le cadre de la prison et le passé des acteurs donnent évidemment une résonance et une intensité particulières à la pièce de Shakespeare, dans laquelle il est question de pouvoir, de complot, de meurtre, de liberté et de châtiment. Les frères Taviani auraient pu développer davantage les liens entre les acteurs et leur personnage, ou ce que le drame éveille en chacun (on peut y voir une limite du scénario), mais ils ont fait le choix de la brièveté (le film dure 1 h 15), de la densité et d'un certain mystère. Pourquoi pas.
L'autre dimension intéressante du projet, c'est la réflexion véhiculée sur l'art et la façon dont elle traduite à l'écran. La création artistique, ici, c'est l'ouverture, l'évasion, la fuite dans un imaginaire qui transcende la réalité. Les frères Taviani ont filmé le quotidien de la prison ainsi que les répétitions en noir et blanc, avec un soin particulier apporté aux cadrages et à l'aspect graphique des images, en mettant l'accent sur les grillages, les barreaux et toutes les lignes qui délimitent l'espace carcéral (les murs, le quadrillage rectangulaire du sol de la cour...). En revanche, ils ont filmé la représentation de la pièce en couleur, comme un moment d'oubli et de vie. Un vecteur de libération qui est aussi, en contrepoint, un vecteur de prise de conscience. Et la prise de conscience, ici, ne peut être qu'amère : "Depuis que j'ai connu l'art, cette cellule est devenue une prison", déclare un acteur après le spectacle... Paradoxe douloureux d'un art entre ombre et lumière.