Le troisième film de Richard Curtis en tant que réalisateur, après "Love Actually" et "Good Morning England", est présenté comme une comédie romantique sur fond de voyage dans le temps : Tim (Domhnall Gleeson), à 21 ans,
apprend de son père (Bill Nighy) que les hommes de leur famille peuvent voyager dans le temps. Un peu plus tard, lorsqu'il tombe amoureux d'une inconnue, Mary (Rachel McAdams), et qu'un voyage dans le temps lui fait malencontreusement effacer cette rencontre, il fait tout pour la retrouver, puis pour faire en sorte que leur couple démarre du mieux possible
. Mais cette partie de love story n'occupe pas la majeure partie du film, et n'est pas non plus la plus réussie. Le choix d'un acteur peu connu à part pour son rôle de Bill Weasley dans les deux derniers "Harry Potter" en rôle principal est en soi un pari intéressant; mais Domhnall Gleeson, plutôt sympathique au demeurant, ne transcende pas son personnage. Ce dernier est attachant, mais surtout par les événements qu'il traverse plutôt que par sa caractérisation, qui s'avère assez faible. Mais ce n'est rien comparé aux personnages secondaires, Mary en tête, qui n'ont quasiment aucune épaisseur. Pourquoi Tim aime-t-il Mary, à part parce qu'elle a le visage de Rachel McAdams ? Pourquoi Mary aime-t-elle Tim ? Qu'est-ce qui les anime, qu'est-ce qui les fait vibrer, quelles sont leurs forces, leurs faiblesses ? Vu l'expérience d'écriture de Richard Curtis, ils ont probablement été richement conçus au départ, mais ce qu'il en reste dans le film ne permet pas d'y voir autre chose que des personnages en 2D servant à illustrer une histoire d'amour. La faute aussi à des choix de narration et de montage assez étonnants, qui privilégient une succession de scénettes romantiques et de scénettes comiques, dont chacune a un objectif précis (faire rire/émouvoir/faire pleurer) et qui sont cruellement inégales. Le montage de Mary essayant une dizaine de robes avant de sortir, mettant en valeur l'indécision féminine face à l'exaspération souriante du mari est quelque chose d'assez douloureux à regarder dans un film de 2013. Le film réussit bien mieux sa mission lorsqu'il en vient à toucher à la question qui, peut-être, est son réel sujet principal (le titre original, "About Time", signifie en effet "Il était temps", mais aussi "Au sujet du temps") : la question du temps qui passe, en particulier dans la relation à la famille, aux parents, enfants, frères et sœurs. C'est en particulier sur le sujet du deuil que Richard Curtis parvient à émouvoir réellement, grâce aussi à l'interprétation de Bill Nighy, qui est l'un des seuls à faire exister son personnage, mieux écrit que les autres. Ce père dont on ne comprend que tardivement les motivations à ne pas travailler, à jouer au ping-pong et prendre le thé sur la plage tous les jours, attachant dès le début, devient finalement l'intérêt principal, et jamais le procédé de voyage dans le temps n'est mieux utilisé que lorsqu'il s'agit de traiter la question du deuil, avec une approche simple mais très efficace, et réellement poignante. Malgré cet aspect positif, la "morale" finale est malheureusement assez mal amenée, et sa simplicité extrême (une version pauvre du carpe diem) touche finalement bien trop à la naïveté pour former une conclusion satisfaisante ou même un brin touchante. Le voyage dans le temps n'aura été finalement utilisé qu'avec un talent limité et, surtout, avec des "règles" spécifiques particulièrement mal fichues, alors qu'il aurait pu être l'ingrédient susceptible de sublimer cette comédie romantique basique. On retiendra en tout cas bien moins le couple tête d’affiche que la relation père-fils, probablement moins vendeuse, mais pourtant bien mieux scénarisée. Bref, un film d'amour quand même bien fait et relativement sympathique