Bobby Yeah est un court métrage animé qu’il n’est pas conseillé de montrer aux enfants ! Réalisé par un spécialiste du genre, Robert Morgan, il développe un univers singulier, que l’on pourra adorer, ou détester !
L’animation est bonne. Elle est faite en stop-motion, technique qui convient très bien à ce petit métrage, et renforce son coté bizarre avec son rythme saccadé. Ce n’est pas un travail aisé, et le résultat est convaincant de ce point de vue. Les personnages pour leur part sont vraiment surprenants. Ils sont tous tuméfiés, certains ont une allure lovecraftienne évidente, et dans l’ensemble aucun n’est sympathique ! Ils suintent, ils dégoulinent, franchement il est difficile d’accrocher au héros, mais bon, c’est un parti pris artistique qu’il convient de respecter. Robert Morgan ose beaucoup, et c’est ce que qu’un court métrage doit en théorie se permettre plus facilement qu’un long métrage, généralement moins indépendant. A noter aussi un environnement réussi, avec des décors dépouillés mais doté d’une belle atmosphère sombre et inquiétante, avec absolument aucune lueur d’espoir pour échapper à cet univers répugnant. Le travail sur les couleurs est remarquable, avec un contraste entre les couleurs bleues violacées et les oranges très élégant, qui donnent beaucoup de charme au film d’un point de vue visuel.
L’histoire est assez incompréhensible en revanche. On sent qu’il y a vaguement une histoire de fond, les choses s’éclaircissent un peu après une dizaine de minutes, mais en fait elle est un peu prétexte à développer une succession d’idées bizarres et étonnantes, dans ce qui ressemble davantage à une expérience sensible qu’à un vrai film narratif. J’ai eu le sentiment parfois d’une certaine répétitivité, mais Bobby Yeah est court (23 minutes), et franchement il est difficile de s’ennuyer dans un laps de temps aussi court, d’autant que le métrage visuellement offre un spectacle de qualité.
En somme, Bobby Yeah est un film crade, sanglant et suintant, qui développe un univers sombre, dans lequel se confrontent de nombreuses inspirations de la littérature et du cinéma d’horreur ou fantastique. Croisement un peu improbable de Lovecraft, Yuzna, Burton et une pincée de Lewis Carroll (je passe beaucoup d’autres influences évidentes), l’ensemble ne s’adresse vraiment qu’à un public trié sur le volet. Reste que l’on sent la maitrise de Morgan, et que le résultat ne peut pas mériter une appréciation négative.