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    Une Seconde Femme
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    708 abonnés 2 002 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 15 juillet 2012
    Après un moyen métrage (« Papa ») sorti en 2011 (inédit en France), Umut Dağ , qui a étudié à la Filmakademie de Vienne l’écriture scénaristique et la réalisation (avec notamment Michael Haneke), signe ici un premier « long », dont la trame revient sur les relations familiales (scénario coécrit par le cinéaste avec son ancienne condisciple Petra Ladinigg). Ce « Kuma », le titre original, signifie en turc « concubine », qui aurait été sans doute préférable au « Une Seconde Femme » choisi pour la distribution hexagonale. On y reviendra… Les Yilmaz (nom indiqué sur la porte de leur appartement) ont beau s’être établis en Autriche (Vienne ?) depuis très longtemps - on supposera légitimement que leurs six enfants, ou au moins les plus jeunes, y sont nés, et quand ils retournent en Turquie au début du film c’est seulement pour aller y chercher l’épouse que Fatma (l’impressionnante Nihal Koldas) a choisie (sur photo ?) pour son propre mari - ils ne frayent pas (sauf les enfants à l’école) avec les « indigènes » (les « mécréants » pour Fatma), ils vivent en vase clos dans leur quartier turc aux allures de ghetto, où les commerces sont turcs, où l’on parle turc et où on ne fréquente que des Turcs, parents, amis ou relations. Quand Ayse (la délicate et bouleversante Begüm Akkaya) arrive à son tour dans cette communauté cultivant strictement le « entre soi », elle subit pour sa part un isolement plus grand encore par rapport aux « natifs » dont elle ne parle, ni même ne comprend la langue (elle acquiert peu à peu des rudiments d’allemand, par exemple en déchiffrant un livre pour enfants appartenant à Mehmet, et surtout quand elle travaille dans une épicerie voisine où s’égarent des non-Turcs, activité tolérée par Fatma quand la mort de Mustafa la laisse dans la gêne). Le poids des traditions, au respect desquelles la matriarche est très attachée, ne favorise évidemment pas le dialogue, et Ayse est loin d’être la seule victime des non-dits familiaux : ainsi, Hasan (Murathan Muslu) avoue un soir de désespoir absolu à sa fausse épouse qu’il a accepté ce simulacre de mariage d’autant plus facilement au départ qu’il est homosexuel (il ne cherchera donc jamais à se marier « pour de vrai », et il aura l’avantage inespéré d’être père, même putatif). Fatma s’en doute certainement, mais n’évoquera jamais le sujet, l’ayant pour elle éludé au mieux en faisant « coup double » (donner à un mari toujours porté sur la chose une partenaire contrôlable à merci, puisque docilement occupée à domicile comme garde-malade, garde d’enfants, et à diverses tâches ménagères, et dans le même temps donner à son fils l’épouse qu’il se doit d’avoir à son âge). Vivant en autarcie et quasi-cloîtrée (la majorité des séquences est à l’intérieur de l’appartement, ou d’autres lieux fermés : hôpital, épicerie..), la jeune femme est en voie de totale aliénation, avec comme seuls rayons de soleil sa petite fille (sur l’éducation de laquelle on imagine pourtant que Fatma voudra avoir la haute main), et le gentil Mehmet - ses « belles-sœurs » étant plutôt hostiles à son endroit. « Veuve » à 20 ans, ne pouvant envisager de convoler enfin avec son mari officiel qui est « gay », elle se laisse tenter par une aventure avec Osman, un collègue de l’épicerie - comment imaginer qu’elle soit en accord avec le plan de vie imaginé par Fatma : plus de vie personnelle et affective à un âge aussi tendre, pleurer avec elle Mustafa (Vedat Erincin) et s’occuper de la maison et des enfants, point final ? « Ouverture » sur le monde ratée quand un concours de circonstances fait découvrir la pauvre liaison d’Ayse à Fatma, qui ivre de haine est à deux doigts de battre à mort la malheureuse. Fatma est prisonnière des conduites ancestrales qui lui servent de morale protectrice autant qu’étouffante, et ces habitudes sont en fait des préjugés à valeur de carcan pour elle autant que pour son entourage. Après le scandale et le châtiment s’est posée à nouveau la question : que faire d’Ayse ? Le fils aîné qui habite en Allemagne consulté à distance, la plus âgée des filles (mal mariée à un homme qui la bat régulièrement) et bien sûr Fatma (après avoir appelé de ses vœux une réparation dans le sang) ont décidé de la renvoyer en Turquie avec sa bâtarde. Seule une des filles mineures la défend (la « rebelle » de la famille et préférée du père disparu, gagnée soudain à sa cause), quand Hasan ose enfin s’opposer à sa mère et indique qu’Ayse fait partie sans discussion possible de la famille et y restera avec sa fille. Fatma se claquemure aussitôt dans la chambre d’Hasan où elle est retournée (les deux « veuves » partageaient le canapé-lit depuis la mort de Mustafa). La caméra fait alors le tour de l’appartement vide (on entend en « off » les enfants et Ayse qui babillent), puis revient sur la porte de la pièce que la jeune femme vient de quitter après avoir apporté à la recluse un plateau-repas, en lui confiant ( un doux sourire sur son visage encore tuméfié par la rage de la vieille dame) un rêve où il est question d’un couloir sombre et d’une porte où l’on tambourine en vain. Le film s’achève en mode ouvert sur l’ombre de Fatma derrière la porte en verre dépoli : jolie métaphore d’un futur possible où les préventions s’évanouiront, les portes s’ouvriront et où l’on se parlera - enfin. Une coïncidence de sorties fait que l’on peut voir en ce moment deux films « turcs », l’un allemand (« Almanya ») et l’autre autrichien (« Une Seconde Femme »), écrits (ou coécrits) et réalisés par des « deuxièmes générations » de l’immigration turque en Europe. Les deux parlent d’une famille « Yilmaz » (nom sans doute répandu en Turquie), les deux mères se prénomment « Fatma » et c’est le même acteur (Vedat Erincin) qui joue à chaque fois le père (Umut Dağ en avait par ailleurs déjà fait son « Papa » en 2011) ! Mais là s’arrête la ressemblance entre les deux univers proposés : là où Yasemin Şamdereli mettait en scène une « saga » positive et sucrée, Umut Dağ réalise un drame anxiogène (avec une petite fenêtre d’espoir quand même en conclusion - voir plus haut). Les Turcs d’ « Almanya » sont paisibles et intégrés, là où leurs cousins d’Autriche sont tourmentés et communautaristes, et s’il est question dans le premier de racines et d’identité, c’est parce que ce type de questionnement est normal quand on n’a pas les deux pieds dans la même culture - ici, le pays d’accueil n’a de légitimité qu’économique, on continue de vivre selon les (redoutables) traditions du pays d’origine. Si « Almanya » a un côté un peu niais par moments (genre « Bienvenue chez les Bisounours »), « Une Seconde Femme » n’a rien pour susciter des réserves de cet ordre, bien au contraire ! Simple fiction, ou réalité soutenant la dramaturgie ? Outre des qualités de mise en scène (d’une sobriété magistrale, évitant le pathos tout en laissant affleurer en permanence une émotion authentique) et d’interprétation (d’incarnation en fait), « Une Seconde Femme » a encore le mérite de traiter de problèmes majeurs tenant à la condition de la femme turque. Beaucoup de mariages sont arrangés (par exemple c’est la mère qui choisit l’épouse de son fils), voire forcés, avec certains risques de consanguinité (12 % environ des époux turcs sont cousins germains), mais le plus grave est ailleurs - dans les « pluri-unions ». En effet, si officiellement la polygamie (en fait la polygynie en l’espèce) est interdite en Turquie depuis 1926, elle est, au titre des « traditions », largement tolérée dans ce pays (au point que le Premier ministre Erdoğan a même nommé récemment conseiller un homme ayant trois femmes !), alors que bien évidemment elle est totalement prohibée en Occident - et la scène est en Autriche, dans la communauté turco-kurde, où une seconde « épouse » ne pourrait en avoir le statut légal. Fatma Yilmaz procure donc à Mustafa, son mari encore vert, cette nouvelle « femme » grâce à un stratagème (épousailles fantoches avec Hasan). Elle a préféré cette solution à une simple union religieuse pour Mustafa, car le rapatriement d’Ayse en Autriche aurait été impossible au titre du regroupement familial (elle n’est pas de la parenté proche des Yilmaz, voire une totale étrangère). Il y aurait en Turquie au moins 200.000 femmes partageant leur époux avec une «seconde femme » (dont certaines « femmes » 3, ou même 4). Ce sont souvent des très jeunes (18 ans ou moins) ressortissantes d’autres pays, comme le Maroc, pouvant entrer sans visa, attirées par le prestige des acteurs turcs des séries télé largement répandues dans les pays arabes. Sans statut légal, elles sont à la merci de toutes les violences. On espère que les « Ayse», « épouse/concubine », sont l’exception sur le territoire européen ! Fatma a un bon fond, et si elle a construit un scénario à la mesure de ses desiderata (avoir quelqu’un de soumis pour s’occuper de la maison et des enfants, assouvir les besoins sexuels de son mari à sa place, tout en dédouanant Hasan vis-à-vis de la communauté), elle n’a au début que les meilleures intentions à l’égard d’Ayse. Ce n’est qu’en constatant que la jeune femme s’est affranchie de sa tutelle de la pire des façons (en ne respectant pas la mémoire de son seul « mari », Mustafa, et en se livrant à la « débauche ») qu’elle la corrige de la pire des façons, dans le respect d’une autre « tradition » turque. En filigrane se pose en effet la question de la permanence des « crimes d’honneur » (ici Fatma, aveuglée par sa colère, réclame, heureusement arrêtée aussitôt par Hasan, ce genre de « solution » ignoble à l’encontre d’Ayse et d’Osman). Ces crimes (qui n’ont rien de « passionnel », car toujours prémédités et organisés) ont pour objectif de laver un affront ayant porté atteinte à l’ «honneur » familial. Commis dans le cadre privé, de nombreux pays couvrent cette « tradition », et leurs auteurs sont rarement poursuivis. Ces crimes d’honneur sont toujours perpétrés par les hommes à l’encontre des femmes « fautives » (et de leurs «complices » masculins), vont jusqu’au meurtre pur et simple, et il faut savoir qu’une femme violée sera « punie » de ce fait, puisqu’elle est irrémédiablement « tachée » ! Statistiques très sous-estimées sans doute, on fait état entre 2003 et 2009 de 250 femmes mortes des suites de crimes d’honneur sur le sol turc (pour au moins 1.000 faits de ce type au total), en dépit d’un renforcement des sanctions dans le code pénal local (suppression de la circonstance atténuante de « provocation » - celle d’être femme et victime ! – qui permettait aux juges toutes les indulgences en direction des criminels d’honneur). Une nouvelle parade apparaît d’ailleurs : les suicides obligés (par exemple 22 jeunes filles se sont donné la mort en moins d’un mois à Batman en 2009, dans le Kurdistan turc). Et chaque année, au moins 25 « crimes d’honneur » ensanglantent les trottoirs allemands. L’ « honneur à la turque » s’exporte sans difficultés et se perpétue dans les communautés fermées installées en Occident (y compris en France, et cette conception originale de l’ «honneur » et des moyens de le laver ne concerne évidemment pas que les Turcs, mais aussi les Pakistanais, les Iraniens…). « L’Etrangère » en 2009 (film allemand réalisé par l’Autrichienne Feo Aladaq) abordait principalement ce sujet tragique, simplement esquissé ici (et Fatma, empêtrée dans ses traditions, est de nature à évoluer comme le suggère la fin du film).
    Jean-luc G
    Jean-luc G

    69 abonnés 779 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 10 août 2018
    Pour changer de la tragédie grecque, un jeune réalisateur autrichien d'origine kurde nous en propose une turque. Loin des poncifs sur les pauvres émigrés maltraités et de la domination masculine sur la société traditionnelle, Umut Dağ nous entraine dans le huis-clos d'une famille nombreuse dirigée majoritairement par les femmes, aussi oppressante qu'un patriarcat, et soucieuse de sauver les apparences vis-à-vis de l'extérieur. Un film court et tonique, une petite musique faite de quelques notes lancinantes , pour accompagner l'affrontement ou les alliances qui se jouent dans cette tribu. Deux actrices dominent l'ensemble: celle de la mère Nihal Koldaş - rappelez-vous de la grand-mère dans Mustang! Et la jeune mariée Ayse incarnée par la resplendissante et attendrissante Begüm Akkaya. Au-delà du portrait sociologique d'une société habituée à vivre tous dans le même lieu, le réalisateur s'attarde à nous décrire les sentiments individuels, traversés par de forts désirs, y compris sexuels, et suivre comment les membres de la famille vont évoluer en interagissant les uns avec les autres au gré des difficultés que la vie leur oppose. Il reste quelques scories mineures de scénario, mais quelle maîtrise de cet élève de Haneke, qui possède, comme Dolan (sans son coté déjanté), la capacité de comprendre - et nous faire partager le bouillonnement des vies intérieures des personnages de l'histoire. Ce n'est ni une histoire de polygamie, ni un roman à l'eau de rose. Mais un coup de projecteur introspectif sur l'une des facettes de la société turque d'aujourd'hui. DVD1 - aout 2018
    selenie
    selenie

    6 342 abonnés 6 207 critiques Suivre son activité

    3,0
    Publiée le 7 juin 2012
    Un thème déjà vu mais rarement avec une émotion aussi juste. Une mère de famille turque qui vit en Autriche choisit une nouvelle épouse pour son mari en prévision, elle a un cancer... Le premier soucis est qu'on a du mal à croire que cette famille puisse garder secret le fait que la nouvelle épouse est unie au fils ainé alors qu'elle est en fait celle du patriarche. Ensuite, en milieu de film un twist arrive comme une véritable césure avant un second twist qui coupe de film de même façon ; deux ellipses importantes qui donne la sensation d'un montage difficile. Par contre les acteurs sont superbes, le scénario en lui-même montre bien les fêlures de chacun et offre de beaux moments d'émotions. Un film au final difficile mais ancré dans une réalité qui montre encore la détresse et le sacrifice des femmes notamment de foi islamique. Dommage que la fin soit aussi frustrante, se terminant sur des questions sans réponses. Un film à conseiller pourtant, un film à voir car il ne peut qu'ouvrir au monde.
    ffred
    ffred

    1 728 abonnés 4 021 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 10 juin 2012
    Dans la lignée des films turcs allemands, en voici un autrichien qui n'a rien à leur envier. Pour son premier film, le réalisateur d'origine turque Umut Dag, élève de Haneke, nous offre un film très fort. On pense au début qu'il va ressembler à tous ces autres, sur le même thème de la femme musulmane vivant en Europe et le choc des deux cultures. Sur le fond, c'est un peu le cas mais le scénario est écrit presque comme un thriller. Les coups de théâtre s'enchainent aux effets de surprises sans que jamais on ne voit rien venir. La vie de la famille depuis l'arrivée de cette seconde femme, est disséquée sur plusieurs portions dans l'ordre chronologique, à plusieurs mois d'intervalle à chaque fois. La mise en scène est simple, sans aucune fioriture ni effet de style et privilégie toujours l'émotion, mais sans aucun pathos...
    La suite sur : http://lecinedefred2.over-blog.fr/article-une-seconde-femme-106709955.html
    velocio
    velocio

    1 320 abonnés 3 152 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 18 juin 2012
    Les immigrés turcs représentent près de 3 % de la population autrichienne. Parmi eux, un nouveau venu dans le cinéma européen, Umut Dag. Il vient de réaliser son premier long métrage avec "Une seconde femme". Un film qui commence par un mariage en Anatolie entre Ayse, une jeune fille turque de 19 ans et le fils ainé de Fatma et de Mustafa qui vivent à Vienne avec leurs 6 enfants. On comprend très vite qu'en fait Ayse, que la famille va ramener à Vienne, est destinée à devenir la seconde épouse de Mustafa et ce, à la demande de Fatma, atteinte d'un cancer et qui croit sa fin très proche. Très vite, une relation de confiance et même de connivence s'installe entre Ayse et Fatma, alors que les relations sont beaucoup plus difficiles entre Ayse et 2 des filles de Fatma et de Mustafa. Mais tout cela ne demande qu'à évoluer ! En fait, le film avance dans le temps par bonds, une nouvelle séquence ne se privant pas, parfois, d'apporter une surprise importante par rapport à la situation qu'on venait de quitter. Par ailleurs, Umit Dag, qui a eu Michael Haneke comme professeur, a retenu au moins une chose importante de ce maître : l'importance du hors-champ. Tout cela nous donne un film réussi tant pour la forme que pour le fond, très intéressant et passionnant. Ce n'était pourtant pas évident au départ puisque, mis à part le tout début, toutes les actions du film se déroulent dans l'appartement familial et dans une supérette.
    vidalger
    vidalger

    326 abonnés 1 252 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 19 juin 2012
    On ne peut qu'envier la richesse du cinéma turc en Allemagne ou en Autriche. La jeune génération immigrée à bâti une école qui utilisant tous les outils du cinéma le plus classique, nous dit la vie, les bonheurs et les drames de sa communauté. Ce cinéma qui n'est pas sans rappeler le réalisme italien des années 60, décrit sans fard la difficulté de cohabitation entre deux mondes que tout oppose, entre les anciens, les ruraux archaïques, les suppôts de la religion, d'un côté, et les modernes, attirés par le mode de vie occidental. Une seconde femme est dans cette veine, un film très honorable. Un casting de qualité nous permet d'avaler un scénario fantaisiste plein de coups de cymbales, un peu à la manière du cinéma populaire turc. Filmé avec tendresse, au plus près des visages, Umut Dag nous fait partager les émotions de ses héros. On n'atteint cependant pas les sommets d'autres cinéastes turcs comme Fatih Akinésie (Soul Kitchen)
    par exemple.
    Patrick Braganti
    Patrick Braganti

    94 abonnés 425 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 13 juin 2012
    C’est le premier trait de génie d’Une Seconde Femme : savoir brouiller les pistes et sans cesse nous amener sur de nouvelles. Umut Dağ travaille beaucoup sur l’ellipse qui voit la plupart des plans s’achever sur un fondu au noir, qui marque du même coup le passage du temps. Dans ces intervalles se déroulent des événements fondamentaux dont seules les conséquences intéressent le réalisateur. Le film se tend de plus en plus, jusqu’à la rupture que l’on sent inéluctable sans qu’on sache effectivement l’aspect qu’elle prendra.



    Les rapports compliqués qui relient malgré elles les femmes de cette famille en quelque sorte recomposée ne cessent de fluctuer. De manière inattendue, déstabilisante pour ses filles, Fatma reçoit Ayse avec hospitalité, la prenant sous son aile protectrice, ce qui ne manque pas de susciter jalousie et rancœur. On verra que les deux hommes, le père doublement marié et le fils instrumentalisé par sa mère, deviennent les marionnettes du gynécée dont chaque élément expose une personnalité riche et complexe. La plupart des scènes se déroulent dans les pièces exigües et surpeuplées de l’appartement, transformé en décor qui exploite au mieux tous les ressorts : une minuscule salle de bains devient le théâtre de révélations dramatiques. Ce lieu étouffant qui symbolise évidemment l’enfermement de la vie des femmes est tantôt auréolé d’une lumière oblique et solaire qui illumine avec magnificence les visages altiers des occupantes et prisonnier d’une obscurité nocturne, territoire des insomnies et des tourments. La situation de la douce Ayse devient de plus en plus cornélienne, finissant par l’emprisonner et lui nier toute autre alternative. En donnant très peu d’indications géographiques, le film prend sans conteste une dimension universelle et interroge donc le thème de l’intégration, ou plus précisément celui de la place d’une famille aux traditions anciennes, sinon archaïques, au cœur d’une société moderne. Les escapades à l’extérieur de l’appartement, prison et cocon, se résument au magasin d’alimentation, autre endroit investi et géré par la communauté turque. Voilées – mais les couleurs des foulards sont éclatantes et composent des tableaux aux tons harmonieux – et dévouées aux tâches ménagères, les femmes de ce splendide film se saisissent dans la douleur et les larmes des rênes de leur existence, en croyant au final à la valeur de la famille, fût-elle bafouée ou malmenée, sans doute parce que, éloignées et ébranlées, elle apparaît comme l’unique voie, fragile mais pérenne, pour sauvegarder un semblant de dignité et d’apparence. Avant de parvenir à cette paix précaire, il aura fallu passer par des drames et des retournements de situation dont Une Seconde Femme ne cesse de scruter la genèse et l’explosion avec intelligence, application et justesse.
    Nelly M.
    Nelly M.

    99 abonnés 525 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 10 octobre 2012
    Dès les premiers plans ce qui frappe est l'archaïsme des moeurs qui jure avec les éclats de modernité venus d'occident. En voilà une vendue par les siens même s'ils la pleurent. Objet de curiosité dont sa famille d'adoption explore toutes les facettes, Ayse, bien dressée à l'abnégation par Fatma l'héroïque, justifie son tout petit filet de voix. Le père est doux avec elle, le fils aimable quoique énigmatique... Elle se lâche un peu au supermarché avec lui, les commères s'extasient, la trajectoire est sécurisée. Coquin de sort qui n'a cure de cet agencement entre la Turquie et l'Autriche ! Voici soudain un bébé fille en pleurs, notamment quand sa mamie approche. La tension monte encore, la violence souterraine finit par déborder, on a mal pour eux tous d'être aussi dépersonnalisés... Rien n'était donc gratuit dans ces scènes d'intendance vues par le petit bout de la lorgnette. Les us communautaires gagnent ici, comme souvent, même en zones réputées civilisées, et pourtant Fatma avait "d'excellentes raisons" tout comme son mari à bien y repenser... C'est complètement le message contemporain de survie pour la jeunesse dépossédée du travail qui l'emporte ! Place à la new generation dont les intérêts convergent, prévaut l'urgence économique ! On peut comparer ce film qui saccage en sourdine à une plante carnivore.
    SansCrierArt
    SansCrierArt

    54 abonnés 421 critiques Suivre son activité

    2,5
    Publiée le 27 mai 2013
    De nos jours, en Turquie, devant tout son village, Ayse épouse un beau jeune homme. Le lendemain de ses noces, elle suit sa belle famille en Autriche, pour y vivre sa vie de femme mariée avec son véritable époux, le patriarche de la famille. Fatma, mère du jeune homme, atteinte d'un cancer, a choisit Ayse comme seconde femme de son mari.

    Une histoire étrange, un peu fourre-tout, dont on ne sait trop que penser. L'ensemble manque un peu de finesse pour séduire vraiment. Les comédiens, premiers et seconds rôles, sont parfaits.
    Christoblog
    Christoblog

    835 abonnés 1 684 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 11 juin 2012
    Bien qu'autrichien, Une seconde femme peut être inscrit dans une série de films allemands de qualité qui prennent pour sujet l'immigration turque : De l'autre côté, L'étrangère, Almanya...



    Le sujet est ici hautement polémique : un homme d'un certain âge va prendre une seconde femme en Turquie, sur les conseils de sa première, atteinte d'un cancer, et la ramène en Autriche. Pour donner le change, la famille raconte à l'extérieur que c'est le fils de la famille qui a pris femme.



    A partir de cette idée plutôt osée, le réalisateur Umut Dag aurait pu filer une trame de style "drame social et sociétal", mais il préfère ici se cantoner à une stricte étude des comportements et réactions des membres de la famille. C'est ainsi que les relations entre la nouvelle femme et l'ancienne, ou entre la nouvelle et les enfants de la première, vont être disséqués, observés et admirablement rendus, il faut bien le dire, par une brochette d'actrices très inspirées.



    On est ravi par la première partie du film, magnifique (photographie hors du commun, admirable lumière), et dont l'intrigue est plus retorse que le pitch ne le laisse supposer. Dag s'y révèle être un cinéaste très doué, disposant à la fois d'un beau sens de la narration et d'un don évident pour trouver le bon cadre.



    Sur la fin, le récit devient plus prévisible et il m'a semblé que le style d'Umut Dag se faisait un peu trop pesant (les fondus au noir sont très beaux mais deviennent un peu trop nombreux par exemple). Il reste tout de même des qualités hors du commun à ce film, comme un art consommé de l'ellipse, comme j'en ai peu vu récemment.



    En ce mois de juin plutôt morose en terme de sortie, Une seconde femme peut être sans risque conseillé aux cinéphiles curieux. Beaucoup d'autres critiques sur Christoblog : http://www.christoblog.net/
    alain-92
    alain-92

    322 abonnés 1 078 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 7 juin 2012
    Un voyage qui démarre dans les paysages magnifiques de la Turquie pour se terminer dans l’enfermement de la banlieue Viennoise. Les idées progressistes se heurtent au poids des traditions. Un marié qui n’est pas celui que l’on croit. Des cris et des pleurs. Et de l’amour aussi. Beaucoup d’amour mêlé à certaines complicités qui naissent tout au long du film. Beaucoup d’éléments qui s’imbriquent parfaitement dans une réalisation sobre et puissante. À la hauteur des comédiennes qui sont exceptionnelles. Umut Dağ signe ici son premier long métrage et réussit un coup de maître. http://cinealain.over-blog.com/article-une-seconde-femme-106456708.html
    Thierry M
    Thierry M

    166 abonnés 2 435 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 6 juin 2012
    Superbe , vraiment du bon niveau , on est impregné dans l' histoire du debut a la fin.
    annereporter94
    annereporter94

    52 abonnés 1 006 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 5 juillet 2012
    Dur et émouvant, voilà encore un film qui tente de lutter contre certaines moeurs ayant cours dans la communauté arabo-musulmane. On a parfois du mal à croire que ce film se déroule de nos jours tant ces moeurs paraissent archaïques. Et pourtant tout le monde sait bien que cela se passe encore ainsi dans certaines familles...même si elles vivent en Autriche... ou en France!
    Eve F
    Eve F

    28 abonnés 40 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 8 juin 2012
    Dans la veine des Fatih Akin, de Shahada, ce film sur les turcs allemands est une PURE MERVEILLE. On reste scotchés du début à la fin, chaque minute, un tord boyaux, un tremblement de l'âme et du coeur !
    traversay1
    traversay1

    3 645 abonnés 4 877 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 23 juin 2012
    Cinéaste autrichien, d'ascendance kurde, Umut Dag réalise avec Une seconde femme un film qui rappelle L'étrangère de Feo Aladag, en moins radical et violent. Cette histoire communautaire, lestée de multiples tabous et secrets, a sans doute un défaut majeur : celui de chercher les larmes, tant à l'écran, que devant. Mais heureusement, son scénario n'est pas cousu de fil blanc et réserve un grand nombre de surprises (la scène de l'enterrement). Le film est essentiellement vouée à la cause féminine avec des portraits très fins de trois générations, avec ou sans foulard, avec ou sans le respect des traditions. La mise en scène, assez simple par ailleurs, tisse des relations fortes et changeantes entre ces femmes, principalement au sein d'un appartement viennois, au coeur d'une atmosphère familiale parfois étouffante. Son héroïne, mariée malgré elle, littéralement arrachée de son petit village turc, est interprétée par une actrice magnifique, Begüm Akkaya, au visage d'ange sacrifié. Beau film, un rien démagogique car très consensuel en définitive, qui mérite mille fois les pleurs que lui accorde à maintes reprises.
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