Drôle d'objet, décousu, lacunaire, froid, dont les défauts sont plus saillants que les qualités. Dès les premières images d'une Isabelle Huppert post-AVC, on sent que le pari est impossible et ne sera pas tenu. On assiste ensuite à un long ballet nonchalant de séquences répétitives, Huppert, et son bras gauche à géométrie variable, fait des chèques que Kool Shen glisse dans sa poche revolver. L'argent glisse inexorablement d'un compte en banque à un autre, les sommes sont astronomiques pour qui n'est pas un patron du CAC40, mais ça ne pose pas de problème, madame est pétée de thunes, et quand ça commence à aller très mal, la famille navrée est prête à faire un geste au prix de quelques remontrances. On frise les états d'âme d'un autre personnage d'Huppert, celui de "Villa Amalia", où une dépression menait... à l'achat d'une maison en Toscane. L'indécence de tout ça ne semble gêner personne. Au fond, on se mettrait presque du côté de l'escroc. Puisque c'est si facile, à quoi bon s'en priver ? Et c'est là que se situe le mérite de Breillat, car on voit ça dans le film. Ni jugement, ni auto-flagellation : une sorte de verbatim de ce qui lui est arrivé, conséquence d'une double fatalité. L'AVC qui la rend infirme, et la rencontre avec un profiteur qui va la ruiner. La morale de l'histoire est toujours aussi amère : c'est plus facile à supporter quand on est riche et connu. Breillat peut continuer de faire des films. La plupart des victimes pauvres des escrocs à la Rocancourt n'ont droit qu'à la déréliction, la misère et l'oubli. Personne ne choisit son destin. Et au final, on ne comprend ni ce qui nous détermine, ni ce qui nous arrive. Nous voilà bien avancés...