On le sait tous, Clint Eastwood aime la musique et d’avantage encore l’histoire de la musique. Il adapte pour l’occasion une comédie musicale étant née à Broadway et ayant fait le tour du monde par la suite. Jersey Boys est donc une plongée dans l’univers de la pop Music américaine de la fin des années 50, des années 60, aux côtés de Frankie Valli et Bobby Gaudio, deux artistes reconnus ayant œuvrés à l’écriture et à l’interprétation de quelques morceaux phares de cette génération. Mais on sent bien entendu que ce qui intéresse le célèbre cinéaste n’est pas ici, à proprement parler, les compositions ou l’art de chanter, mais bel et bien cette Succes Story particulière qui voit des gamins italo-américains des quartiers chauds du New-Jersey s’émanciper de leurs conditions pour devenir des vedettes internationales, du moins nationales.
En effet, au même titre qu’un gamin pourrait sortir d’une certaine forme de délinquance, à l’heure actuelle, par le biais de la musique, Clint Eastwood aime démontrer que le talent de ses petits gars aura permis à ceux-ci de ne pas sombrer dans les méandres de la pègre, route toute tracée au préalable. Si le rapport entre une carrière d’artiste et la vie dans le milieu est toujours omniprésente à l’écran, notamment par l’entremise du personnage de Tommy, l’exubérant et autoritaire leader, selon le film. Le personnage de Christopher Walken, trop rare, symbolise la luxure du gangster, le pilier moral et financier de quatre artistes convaincus de s’être pourtant éloignés de leurs quartiers. En somme, Jersey Boys est un paradoxe.
Inévitablement, Jersey Boys renvoie aux œuvres de Martin Scorsese. Mais si le cinéaste natif de Little Italy sera toujours parvenu à bien distinguer les genres, en ne mélangeant jamais son amour de la musique et ses thèmes de prédilection, Eastwood, lui, semble vouloir faire un mix de tout ça. Si durant la première partie, le réalisateur semble avoir trouvé un bon équilibre entre séquences musicales et narration, la suite devient un tant soit peu chaotique lorsque sans transition, on passe du drame personnel aux shows musicaux. Bien parti, Clint Eastwood s’égare quelque peu lorsqu’il s’agira à ses personnages de connaître véritablement le retour de manivelle. En somme, l’ascension des quatre jeunes musiciens et chanteurs est remarquable mais par la suite, les choses se gâtent et le metteur en scène, pourtant doté d’une expérience indiscutable, s’égare et ne parvient pas à faire de son film l’équivalent de ce qu’en aurait fait toujours le même Martin Scorsese.
Ayant judicieusement choisi des acteurs n’étant pas affiliés au cercle du cinéma hollywoodien, mais bel et bien aux planches de Broadway, Clint Eastwood offre pour autant un film réussi, du moins dans sa mise en scène et son interprétation. Tous les comédiens sont excellents, très crédibles sur scènes comme dans leurs séquences de vie. Le réalisateur légendaire déçoit certes quelques peu ses plus grands admirateurs, cercle dont je fais partie, mais démontre au moins qu’il possède suffisamment de richesse d’esprit pour se renouveler, se pencher sur d’autres thématiques. Jersey Boys n’est absolument pas le meilleur film du réalisateur, aucune discussion possible. Pour autant, il serait mesquin de crier au loup tant Eastwood semble se passionner pour son sujet. 13/20