Dorothée Sebbagh est encore peu connue (voire pas du tout) du grand public. Avant « Chercher le garçon », ce premier « long » plutôt bref (1 h 10 seulement), elle n’avait à son actif que deux courts-métrages (le premier, « Ni vue, ni connue », en 2002, ayant été récompensé dans les festivals de Rennes - « Travelling », et de Nice - réservé aux « courts »). Son travail donc plutôt confidentiel prend de l’ampleur (encore modestement, il faut souvent « chercher la salle » ! – et il n’y a eu qu’un peu plus de 10.000 curieux à se déplacer lors de la semaine de sortie ; je suis contente de les avoir rejoints, en troisième semaine d’exploitation). Après ses premières armes (avec « Les yeux bleus » - pas de chance, c’est un dragueur qui annonce clairement la couleur : il est l’habitué des brèves rencontres, strictement sexuelles), Emilie reprend confiance avec Julien, un prof « romantique », et passe même aux choses sérieuses sans délai avec lui (mais il est du genre « collant », et elle s’en lasse aussitôt). La demoiselle n’est pas farouche, c’est elle qui désormais prend l’initiative à chaque nouvelle « date », et l’on voit passer un beau-parleur qui fait une fixette sur Hugh Grant (« Yough Grant » - sic - sur le net), deux sportifs (boxeur avec nez cassé, footballeur avec maillot), un vendeur de voitures minuscule et imaginatif (mais inconséquent), un « tactile » (qui se revendique « bonobo »). Dans cette galerie pittoresque et hétéroclite vient s’intercaler Christophe, venu excuser Hicham – la jeune femme croit à un impétrant timide se présentant sous un nouvel alias ; ce sera le « bonus », car Hicham existe bien. Recontacté en ligne et invité à dîner chez Audrey, une cousine actrice de sitcom, il fera finalement la conquête de cette dernière, Emilie ayant arrêté son choix sur le copain aux abonnés absents (en couple d’ailleurs précise Hicham à la déçue). Autant de « tableaux » que ces rendez-vous, chacun d’ailleurs improvisé par les acteurs (« Emilie » étant à chaque fois confrontée « sur le terrain » avec un partenaire inconnu, pour un échange libre, à partir des seuls profils du site de rencontres - résultant bluffant de naturel que ces jeux de rôles). A cet égard, la rencontre avec « M.X » est la plus étonnante, qui va redessiner sur (et avec) le corps d’Emilie une curieuse carte de Tendre, figurines Playmobil à l’appui, et la plus poétique celle avec le danseur (séquence muette de communion par le geste). Audrey conseille à sa cousine d’arrêter sa quête improbable en mode virtuel, et de laisser tout simplement le hasard faire les choses. Sa seule rencontre inopinée reste un moment celle de Gérard, un jogger enveloppé et débonnaire, qui d’ailleurs cherche lui à reconquérir sa femme – c’est donc d’amitié et d’ « endorphines » qu’il sera uniquement question. Cependant Emilie va croiser aussi Amir à deux reprises, et la deuxième occurrence sera la bonne, pour un véritable « embarquement pour Cythère » (enfin pour les îles du Frioul, sur le voilier du « prince » Amir - le bon « garçon »). Elle a été son élève en section cinéma à la Sorbonne – en visionnant « Chercher le garçon », on pense aussitôt à Eric Rohmer. Puis au titre des références on convoque aussi Emmanuel Mouret et Valérie Donzelli (celle de « La Reine des pommes », film « fauché » et plein d’inventivité également, plutôt que celle de « La Guerre est déclarée ») : rien d’étonnant, Dorothée Sebbagh a collaboré avec l’un et l’autre. Ecrit avec soin, mais faisant la part belle à la spontanéité de ses interprètes, filmé à l’économie avec un appareil-photo numérique et largement en plans-séquences, dans des décors naturels (et sans s’éloigner du Vieux-Port, l’escapade nîmoise du danseur mise à part) ce premier film aux allures « documentaires » réussit pour autant à faire entendre une « petite musique » déjà personnelle, mais encore en mode mineur (une fin un peu « juste » en particulier, et quelques baisses de rythme dans le corps des rencontres). Les acteurs « de complément » sont parfaits (distribution très « locale » : Moussa Maaskri/Amir, Gérard Dubouche/Gérard le jogger, Cyril Lecomte/Yough Grant sont Marseillais, et Aurélie Vaneck qui joue la cousine comédienne de sitcom, Audrey, est l’une des interprètes du phénomène « Plus belle la vie » - connivence et malice supplémentaires pour un film sans moyens, mais créatif en diable), et l’on est heureux de voir Sophie Cattani (Emilie) enfin dans un rôle « ensoleillé », loin de son emploi habituel de mère à problèmes (« Je suis heureux que ma mère soit vivante », « Tomboy », « Polisse »…) - elle y étincelle ! « Caractères » croqués avec verve (et imagination), fantaisie, fantaisie… Ce marivaudage revisité à l’heure du net (même si l’argument n’est pas inédit) est réussi. Un coup de fraîcheur dans un paysage cinématographique souvent convenu, un coup d’essai que l’on espère bientôt transformé.