Tu aimes les films de gladiateurs ? Ah, si le syndicat de police Alliance a maté ça, il a dû salement mouiller sa culotte (oui oui, le syndicat Alliance est une femme...) ! "A.C.A.B." est un voyage au pays des flics qui en ont, des flics qui, en plus de se trouver en première ligne face aux problèmes de la société moderne (insécurité, immigration clandestine, chômage, hooliganisme...) et au mécontentement des foules devant les solutions apportées par les politiques pour régler ces problèmes (grèves, manifs, expulsions...), doivent aussi se débattre avec des problèmes personnels complexes (qui un divorce douloureux, qui un fils ado néo-nazi, qui une mère en passe de perdre son logement). Ouf ! Véritable hymne à l'esprit de corps -ce qui consiste en gros à assumer les conneries des potes, à boire des bières et à se tripoter les uns les autres sous la douche-, le film véhicule un discours et une imagerie mussolinienne (culte de la virilité, affiches, uniformes...) qui le feront forcément passer pour facho. On n'est jamais très loin de "Tropa de Elite" (même si ce dernier est beaucoup plus efficace au niveau action) et par moments même -et c'est plus dommageable- on frôle "Les Bérets Verts", parangon du film faf grand public. Seulement, derrière ses aspects bêtement primaires (hé, faut bien se mettre au niveau des personnages !) et ses stéréotypes (le bleu, le vétéran, le sanguin, le plus réfléchi, les nationalistes...), "A.C.A.B." est aussi un portrait sombre et sans concessions d'une société à la dérive (civilisation, diraient certains). Bon sang ne saurait mentir, Stefano Sollima, fils du 3ème Sergio du western spaghetti (après Leone et Corbucci), retrouve avec sa réalisation sèche et nerveuse les accents des polars paternels des années 60-70. Sans complaisance dans le fond, Sollima l'est un peu plus dans la forme et joue habilement avec nos bas instincts (The White Stripes, The Clash et Pixies dans la BO, rhââââ !). On est un peu comme le rookie après une baston, plein de remords. Mais quand on lui demande si ça lui a plu, il ne peut que répondre : "à fond, ouais !". Eh ben, pareil ! Sous ses airs de polar facho mais jouissif, "A.C.A.B." est donc un excellent film de société qu'il est, quelque part, assez dérangeant d'aimer tant on se dit qu'on doit partager cette admiration avec les bas du front (si vous voyez ce que je veux dire) qui en feront forcément une interprétation premier degré. Pour les intellos qui le détesteront, on se fait moins de souci, ce sont les mêmes qui traitaient Clint Eastwood de fasciste il y a 35 ans et qui le vénèrent maintenant comme un grand auteur humaniste... A ne pas forcément mettre devant tous les yeux, donc.