Dans les premières minutes du film, lorsqu'on voit le personnage principal, Giulio, un fonctionnaire italien de quarante ans, à la vie apparemment tranquille, mais qui soudain, est contraint de quitter son domicile conjugal par sa femme, qui ne lui pardonne pas une aventure d'un soir, je me suis dit qu'on j'aurais à faire avec un drame sur le couple et la séparation ( sujet au demeurant toujours interessant, mais un peu classique).
Or, très vite on s'aperçoit que le vrai sujet du film n’est pas là, puisque le réalisateur va seulement suivre la destinée de Guilo , et plutot son périple après avoir quitté le foyer familial : s’ensuit en effet un parcours du combattant de notre personnage principal pour trouver un logement dans une Rome frappée par la crise et où les débouchés se font rares.
Une plongée lente et insidieuse, presque inoffensive, mais dont les conséquences seront énormes : en vivant en couple, Elena et Giulio étaient relativement à l'aise. Séparés, le salaire de Giulio s'avère très vite insuffisant pour payer sa part de sa vie ancienne et s'en construire une nouvelle. Le pire c'est qu'autour de lui, personne ne se doute de ses difficultés nouvelles. Il ne se plaint pas, continue à faire « comme si », incapable d'avouer qu'il ne peut pas assumer le séjour au ski de ses enfants, ni leur acheter un nouveau portable.
Bref, ce très beau film nous montre de façon très subtile et avec énormément de délicatesse et de justesse que des milliers d'hommes (et de femmes) dans cette société actuelle sont des équilibristes, à savoir des humains qui désirent mener leur vie avec dignité et simplicité. Ils ont une maison, une famille, un travail ;mais ils ignorent qu’ils marchent sur un fil. Et qu’il suffit d’un coup de vent pour les faire tomber.
Le film dit beaucoup, mais sans jamais que cela ne soit ni pesant ni démonstratif , sur notre vision de l'avenir dans ce monde, un monde dans lequel tous les signaux ambiants brouillent la prospective et ou l'on ne voit alors plus très bien à quel projet se raccrocher, à quelles valeurs se référer…
Le film nous montre tout ce que je peux ressentir tout à fait au niveau professionnel, à savoir que les institutions publiques ont perdu tous leurs pouvoirs et les associations religieuses ou bénévoles sont à bout de souffle. Et ceux qui ne sont pas encore tombés (comme cet ami qui lui tend un peu la main au départ, avant de lui montrer tout son mépris à la figure dans une scène cruelle mais magnifique) préfèrent faire semblant de ne pas les voir, comme si ces derniers étaient des ombres à effacer.
Un sujet assurément terrifiant traité avec beaucoup de tact par les scénaristes aussi un vrai couple dans la vie, Valentina Ferlan et le réalisateur Ivano De Matteo. Mais encore plus que pour Louise Wimmer, au sujet proche, le film bénéficie aussi d'un vrai force de mise en scène chez Ivano de Mattéo et notamment d'un sens du cadre épatant qui fonctionne dans plusieurs scènes clés du film ainsi que de capacité à ne pas refuser le potentiel émotionnel de son film, sans que jamais cela ne vire pour autant au pathos..