Dessiner, au travers de 4 personnalités contrastées, le portrait de la génération Mitterrand sur 20 ans, voilà le pari audacieux qu’à relevé Nicolas Castro. Il s’est donné les moyens de ses ambitions avec un casting plutôt malin et réussi. Pio Marmaï (craquant) en journaliste « trop » idéaliste, Gaspar Proust dans un rôle de cynique absolu qui lui va comme un gant, Ramzy en entrepreneur du X, Laetitia Casta en énarque tiraillée entre convictions et renoncements, André Dussollier en papa retraité de Manufrance et désabusé de la politique, le casting tombe pile-poil ! La reconstitution des 80’s est tout à fait soignée aussi (ah, les robes à épaulettes ! Comment on a pu porter des trucs pareils ?) et il émaille son film d’images d’archives retravaillées. Il les intègre dans son scénario comme Robert Zemeckis l’avait fait dans « Forrest Gump », quitte à tordre le coup un peu à la réalité. Oui, la fameuse interview de Mitterrand qui part en sucette à cause des écoutes de l’Elysée n’a jamais été faite par la TV française (tu penses…) mais par la TV belge. Il y a 2-3 petits détails de ce genre qui sonnent faux mais c’est vraiment anecdotique. Il y a pas mal d’humour dans « Des lendemains qui chantent », et souvent il fait mal… On rit d’un rire un peu nerveux, un peu jaune car Nicolas Castro s’est servi d’acide sulfurique pour délayer sa peinture et les petites giclées qu’il balance sont fréquentes, elles font mouche, elles brûlent là où çà fait mal (la scène du repas, terrible, qui met carrément mal à l’aise) ! En fait, son scénario suit essentiellement le destin de Léon, jeune journaliste qui, plus que tous les autres, reste fidèle à ses convictions de jeunesse et en paye le prix professionnellement. La presse de gauche en prends bien pour son grade : Serge July s’embourgeoise, le rédac’ chef du Nouvel Obs est lamentable (on tombe un peu dans la caricature avec cette scène), et celle de « Globe » n’est pas tellement meilleure. Après avoir tenté sa chance dans la presse écrite, il se tourne vers la TV (et paf : une nouvelle giclée d’acide en direction de Thierry Ardisson) pour finir au service des sports (d’une chaine cryptée ?). A côté de Léon, son frère incarne son opposé, le cynisme absolu de l’ancien trotskyste infiltré au PS qui finit par faire la communication de campagne de Chirac. Entre les deux opposés forcément un peu caricaturaux, il y a plus de nuance dans les personnages de Sylvain et de Noémie, dont les destins sont plus contrastés, et collent probablement plus à la réalité de l’époque. Il y a de l’émotion, de la tendresse, de l’humour dans le film de Nicolas Castro. C’est rythmé, on ne s’ennuie pas tout au long des 90 mn du film, ce qui est assez court. On peut regretter malgré tout qu’à force de vouloir faire une critique féroce de l’époque, le film dérape à plusieurs reprises vers la caricature un peu grosse, ce qui n’était pas forcément nécessaire à la démonstration. Et puis, pour un film qui se situe dans les 80’s et les 90’s, on aurait pu espérer une belle bande originale d’époque. Or la musique passe quasi inaperçu, dommage… L’histoire d’amour Léon/Noémie sonne un peu faux sans qu’on sache trop pourquoi, elle ne nous passionne pas. Malgré ses petits défauts, ses petites caricatures inutiles, ses raccourcis un peu faciles parfois, le film de Castro est un agréable moment de cinéma. C’est vrai, il s’adresse essentiellement à ce qu’on appelle pompeusement « Le peuple de gauche », avec tendresse mais aussi avec l’acidité du dépit amoureux.