Je crains de devoir être un peu dure avec le film de Brice Cauvin. Déjà la bande annonce et l’affiche annonçait un film un peu nombriliste, traitant d’un sujet mille fois traité au cinéma (la peur des responsabilités et de l’engagement dans une relation sentimentale), mais je n’ai pas voulu m’arrêter à cela et je lui ai donné sa chance. En fait, le film de Brice Cauvin n’est pas désagréable, ni mal intentionné, ni même vraiment maladroit. Il est réalisé avec une certaine application, il bénéficie d’un casting de haute volée sur lequel je vais revenir, on ne s’y ennuie pas vraiment non plus, c’est juste que son scénario est un peu faible et que son film tourne vite en rond. Le point fort de « L’art de la fugue », c’est son casting 4****. Evidemment Laurent Lafitte est excellent, touchant même dans le rôle d’Antoine, Bruno Puzzulu très bien aussi, tout comme Guy Marchand, Marie-Christine Barrault ou Agnès Jaoui. Ce sont des comédiens dont les qualités ne sont plus à démontrer. Mais à leur côté, il y a des comédiens disons plus… débutants : Nicolas Bedos, Elodie Frégé, Benjamin Biolay. Eux évidemment sont un cran en dessous, surtout Elodie Frégé dont le jeu encore très hésitant n’est pas aidé par un rôle trop peu et trop mal écrit. Bedos fait du Bedos, mais plutôt bien. Quant à Biolay… Rien à faire je ne peux pas me faire à son jeu atone et inexpressif ! En plus, là, on lui fait jouer un dépressif qui se traine comme une âme en peine, ce qui évidemment ne lui donne pas trop l’occasion de jouer autrement ! Je l’ai dit, le problème de « L’art de la fugue » n’est pas sa réalisation, ni même son casting intéressant quoi qu’un peu déséquilibré, c’est juste qu’on a bien du mal à s’intéresser aux problèmes sentimentaux de tout ce petit monde. J’hésite à m’engager… Et si l’herbe était plus verte ailleurs ? Je ne l’aime plus vraiment mais je ne me vois pas le quitter. On est séparé mais je l’aime encore, etc… Je ne dis pas que ce ne sont pas des préoccupations improbables dans une relation, mais çà ne remplit pas un film d’1h50 ! Et puis bon, c en’est pas comme si c’était inédit ! Alors il y a l’humour, heureusement, qui parsème çà et là le propos, on sourit souvent, on rit même franchement à deux ou trois occasions, mais çà non plus çà ne remplit pas un film. Les personnages sont curieusement esquissés, certains sont sur-écrits (Antoine), certains sous-écrits (Adar, Julie et même Louis), quand ils ne sont pas carrément caricaturaux : Agnès Jaoui en bobo plus que bobo, ce n’est pas là non plus super inédit ! En fait, il a beau arriver des tas de trucs aux personnages qu’on voit sur l’écran, çà n’arrive pas à nous toucher vraiment, j’irai même plus loin, çà ne nous concerne pas vraiment. L’aspect le plus intéressant et même pertinent de « L’art de la fugue », c’est la relation très bizarre qui lie les trois fils avec leur parents. Des parents intrusifs, qui dévalorisent leurs enfants en les surprotégeant en même temps, des parents (et surtout le père) directifs et étouffants. Bizarrement, ces deux parents sont croqués comme il faut, ils « sonnent vrais » et leur attitude en dit long sur l’évolution de la vie de leurs fils. Moi c’est cet aspect qui m’interpelle le plus dans le scénario, comment on peut aimer ses enfants tout en pourrissant leur vie avec une parfaite bonne conscience. Ca c’est un bon sujet qui aurait mérité d’être un peu plus étoffé, développé, fouillé, au lieu de s’appesantir que les tentations d’adultère d’un homme somme toute très immature, sur la lâcheté d’un frère qui l’est tout autant ou sur la dépression d’un ainé qui passe son temps à se dévaloriser . La fin du film surprend un peu et le générique de fin arrive de manière un peu brutale (mais c’est la mode dans le cinéma moderne, on dirait !), mais pas de quoi remettre le film sur les rails. En fait, il est trop tard, çà fait 1h50 que le film tourne sur lui-même, une fin en forme de petit coup de théâtre ne suffit pas à donner une bonne dernière impression. Le film de Brice Cauvin ne se trouve pas, et son affiche en forme de carte postale (ou de roman photo, çà dépends comment on la voit) est finalement emblématique de son scénario, et c’est dommage…