Sally Potter est une réalisatrice anglaise, déjà reconnue pour ses autres longs-métrages tels qu’Orlando (1992), l’adaptation cinématographique du roman de Virginia Woolf. Elle s’attaque aujourd’hui à un sujet très prisé par les scénaristes, l’adolescence. Sur fond de guerre froide, Ginger et Rosa exprime de la façon la plus brutale le passage de l’enfance à l’âge adulte. Deux amies, Ginger (Elle Fanning) et Rosa (Alice Englert), sont prises dans ce tourbillon d’émotions que représente cette période de la vie. Entre convictions politiques, rapport mère-fille, amitiés qui se délie, Potter met en évidence les difficultés de l’adolescence ancrées dans le « Swinging London » des années 60.
Un sujet, certes vaste, mais traité avec justesse, d’une part par une réalisation esthétisée au possible, chaque image laisse à penser à une photographie. De nombreux close up et les lumières très présentes et toujours bien utilisées, mettent en valeur les personnages. Les jeunes filles apparaissent comme immaculées dans ce décor, toujours empreintes d’un teint diaphane, et les scènes les plus intimes s’illuminent d’une lueur orangée. La différence est très parlante lors d’une scène de repas aux chandelles soudain interrompue par la lumière blanche éclatante des néons. Tout au long du film, l’éclairage suit à la lettre le scénario et contribue à cette esthétique photographique.
Le tout surligné par les deux actrices principales, la timide et pâle, Elle Fanning et la brune explosive, Alice Englert, dont l’excellente performance vivifie le scénario à chacun de ses passages à l’écran. Mais les seconds rôles ne sont pas en reste, Christina Hendricks joue à merveille la mère légèrement névrosée abandonnée par son mari (Alessandro Nivola). Et le couple homosexuel ami de la famille interprété par Timothy Spall et Oliver Platt donne ce qu’il manquait de bienveillance au script. Tous ses personnages qui se croisent au détour de conversations, de regards, sont, sans aucun doute, emprunts d’humanité et donnent une réelle profondeur au film. Malheureusement, cette ambiance est parfois gâchée par un pathos trop présent, des cris, des larmes, des disputes, des déclarations d’amour… Sally Potter met d’ailleurs l’accent sur des stéréotypes, premières cigarettes, essayages de vêtements, premiers baisers… Et les relations enfants-parents, représentées par un père absent ou excentrique et une mère sans aucune autorité, sont des thèmes récurrents à ce genre d’histoires, un lieu commun d’une jeunesse en difficulté.
Pourtant, par la présence d’un fond réellement politique, (le film s’ouvre sur les images d’Hiroshima), les convictions de Ginger, une poétesse pacifiste en herbe, donnent une nouvelle perspective à l’adolescence dépourvue d’originalité. On assiste aux manifestations, aux meetings mais aussi aux angoisses d’une jeunesse sur laquelle pèse les missiles de Cuba. Et qui s’installe en réponse à une expérience chaotique, de conflits aussi bien familiaux qu’extérieurs. L’explosion devient alors la métaphore d’un moment personnel qui résonne particulièrement chez Ginger. Malgré une certaine banalité, Sally Potter nous emmène avec ses personnages dans cette histoire captivante et réussit cette plongée dans une atmosphère située entre la guerre froide et la révolution sexuelle.