Scott Derrickson, après un film de SF fort moyen, revient donc à son genre de prédilection : l’horreur. Sinister a fait pas mal parler de lui, et il faut avouer qu’il se défend.
D’abord, pour un métrage à petit budget il s’offre une tête d’affiche reconnu : Ethan Hawke. Celui-ci s’avère très convaincant dans son rôle, et tient la baraque en apparaissant dans quasiment toutes les scènes. Ils jouent particulièrement bien la descente aux enfers de son personnage, qu’il retranscrit avec un réel doigté. A ses cotés des acteurs moins connus, mais solides. Juliet Rylance, et les deux enfants du couple sont notamment tout à fait à la hauteur. Cependant celui qui m’a le plus surpris c’est James Ransone, dans une interprétation singulière et tout à fait intrigante du shérif adjoint, qui donne beaucoup de relief à certains passages. En somme, de ce coté là Sinister assure.
Au niveau du scénario en revanche je suis plus partagé. En fait l’intrigue est agréable, il y a une bonne gradation même si la conclusion n’est pas une franche surprise, et dans l’ensemble on sent tout de même une belle consistance. Cependant il y a de vrais défauts aussi. D’abord une lenteur qui découragera pas mal de monde. En effet Sinister est long à se mettre en place, et en fait il peine vraiment à décoller pendant près d’une heure, ayant du coup recours pour tenir la distance, à des artifices bien connus : apparition, bruits en tout genre, scènes qui tirent en longueur lorsque le héros inspecte (toujours dans le noir !), sa maison… Les avancées existent bien, mais elles sont trop espacées et comblées entre deux par mal de futilités et de redondances. En clair le réalisateur avait une bonne idée, il l’a met en place, mais beaucoup plus adapté au format d’un moyen métrage (Sinister aurait pu être une excellente nouvelle en texte), il est obligé de combler pour atteindre une durée raisonnable (au passage il aurait pu sacrifier dix minutes sans difficulté tout en restant un long métrage acceptable). Un petit manque de fluidité de surcroit, notamment lors de la série de visionnages de cassettes.
Techniquement c’est correct. Derrickson se débrouille avec un certain talent pour conduire sa mise en scène, qui toutefois, partant sur des bases assez audacieuse, finit par devenir plus sobre, voir presque académique. Toutefois il n’y a aucun problème de lisibilité. La photographie est un excellent point. Elle est nettement travaillée. Les scènes obscures ne le sont jamais à l’excès, les scènes aux images granuleuses provenant des bandes super 8 apportent un vrai plus, non vraiment la photographie participe avec force à l’ambiance du métrage. C’est valable pour les décors, qui pourtant très limités sont fort bien exploités par le réalisateur, qui donne l’impression d’une maison vaste et inquiétante. Alors Sinister comme on peut s’y attendre n’est pas un film d’horreur sanglant. Les meurtres sont avant tout suggérés, il n’y a rien de très marquant visuellement, et c’est surtout par son ambiance, poisseuse (j’ai quand même vu nettement pire de ce point de vue, ici on reste dans du raisonnable) que Sinister peut distiller des frissons. La bande sonore a elle aussi bénéficié d’un travail soigné, avec dans de nombreux passages une absence de mélodie au profit de sonorité volontairement désagréables et redondantes qui crée un certain malaise.
Bon, Sinister n’est donc pas le grand film d’horreur auquel on peut légitiment s’attendre à l’écoute du tapage qu’il a fait. Néanmoins il ne démérite pas, essayant sur un sujet bien rebattu de construire quelque chose d’originale, et de manière propre et nette. Il s’en sort bien, et mérite malgré ses défauts et surtout sa lenteur excessive, des encouragements et un petit visionnage pour ceux qui ne trouvent pas dans le rythme un défaut rédhibitoire.