Un homme, un bateau, une lutte pour la survie. On peut difficilement faire plus dépouillé. C'est un peu Le Vieil Homme et la Mer, version plaisance. Ou un Gravity de l'océan, version "troisième âge". All Is Lost partage avec Gravity le côté film catastrophe immersif et minimaliste. Mais il va encore plus loin dans le minimalisme. On dénombre ainsi deux fois moins d'acteurs à l'écran, soit un seul... Et puis, hormis le monologue du prologue, quelques SOS, un petit "My God" et un gros "Fuck", le film est muet. Il ne comporte par ailleurs ni portrait de personnage, ni effet spécial hyper spectaculaire. All Is Lost se réduit à une épure épique, à une poétique des gestes de survie en mer. Le pari cinématographique est original et audacieux. Il est bien tenu par J. C. Chandor dont c'est le second long-métrage, après l'excellent Margin Call. Changement de registre pour le cinéaste : de Wall Street à la haute mer, des joutes verbales au silence. Mais dans les deux films, il est question de catastrophe, de survie et de requins... Le réalisateur a réussi son coup pour rendre le récit captivant sans forcer la dramaturgie : pas de mouvement de panique propre au genre, pas d'accent ronflant (hormis peut-être quelques notes de musique trop appuyées à un moment). Le traitement est posé, efficace. D'une certaine placidité rythmique qui n'empêche cependant pas de ressentir un bon stress. Chandor navigue ainsi à contre-courant stylistique du film catastrophe, s'appuyant sur la précision technique du chef op' sur l'eau (Frank G. DeMarco), sur la science et l'inspiration du chef op' sous l'eau (Peter Zuccarini), sur un excellent travail du son, sur un rigoureux découpage narratif et, bien évidemment, sur la performance de Robert Redford. Grosse performance physique (à 77 ans quand même...) et impeccable sobriété dans l'expression de l'ingéniosité, de la résistance, du courage, du désespoir... Au final, petit bémol subjectif, on peut regretter que le film n'aille pas jusqu'au bout de sa radicalité dramatique, de sa noirceur, mais il demeure une expérience de cinéma singulière, qui mérite d'être saluée.