Après le très bavard Margin Call, voici le mutique All is Lost. Oui, le cinéaste prometteur qu’est J.C. Chandor semble attiré par les extrêmes. Toujours très documenté, très pointu, son travail ici s’oriente vers la routine du marin, sa détresse, son agonie. Si Robert Redford, seul acteur au casting, ne parle que très peu, en voix-off ou en s’exclamant, il n’en demeure pas moins que la parole n’est que peu importante face aux nombreuses manipulations dont s’attèle le marin esseulé. Oui, si le personnage semble continuellement garder son sang-froid, malgré une malchance évidente, il apparaît très rapidement que les ennuis iront toujours de mal en pis. Collision, tempête, défaillance puis nouvelle tempête. Le naufrage du navire n’est en somme qu’une suite logique aux malheurs du navigateur qui devra survire dès lors sur un canot de fortune en plein océan indien.
All is Lost, à l’image de Gravity, est un survival relativement concis en milieu hostile. Ici, c’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme, comme dirait un certain chanteur français. Le sentiment de malaise, de solitude, qui accompagne de bout en bout le pauvre Robert Redford est palpable. L’isolement est par ailleurs renforcé par une Bande-son de toute beauté qui renvoie tout espoir éventuel au placard. Parfois à deux doigts d’être secouru, le marin errant poursuit son chemin vers une mort certaine, les vivres diminuant, la force l’abandonnant. L’on ne perd pourtant pas réellement espoir même si l’on espère une fin originale, ce qui est finalement le cas, pour ne pas en dire trop.
Mais la réelle surprise ici au menu c’est la préscience presque hypnotique de notre grande vedette du cinéma indépendant américain, Robert Redford. Le septuagénaire semble péter la forme et travail face à la caméra comme le ferait un marin face à la mer. Certes, le film n’ayant pas été tourné en pleine mer, mais dans un bassin, quelques séquences visuelles manquent cruellement de réalisme, de profondeur, le champ était raccourci plus ou moins maladroitement à certains moments, mais l’immersion reste agréable, pour peu que l’on ne soit pas phobique de la solitude ou de la vie en mère. A vous donner le tournis, le mal de mer, certaines séquences sont tout simplement géniales, du moins très réfléchies. Redford s’applique à faire de lui un vieux roublard de la navigation et très sincèrement, le bonhomme fait forte impression.
Habile, parfois un peu lent, All is Lost est un très bel ouvrage sur la mer qui offre une sensation de mélancolie, d’isolement très particulière. Robert Redford signe, et de loin, se meilleure performance d’acteur depuis au minimum dix ans et le réalisateur confirme son statut d’homme à ne pas lâcher d’une semelle. Pour autant, il convient d’apprécier le jeune J.C. Chandor non pas comme un réel narrateur, un metteur en scène traditionnel, non, mais plutôt comme un documentariste de fiction, un observateur documenté du contexte qu’il met en scène. Alors que Margin Call était sans doute un film d’une rare intensité pour tout banquier qui se respecte, il est incontestable que All is Lost est le paradis filmique du marin en tous genres. Oui, faut reconnaître que bien souvent, l’on ne sait pas trop ce que trafique sur son bateau le marin en errance, si ce n’est démarcher pour survivre. Rien n’enlève pour autant sa saveur à ce film particulièrement troublant. Le meilleur point en revient dès lors à la BO. 15/20