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Toujours cadré avec la démonstration constante de mettre en avant son personnage, nombreux sont les plans serrés, bien que toujours « aérés » par le fait de l’inclure dans l’immensité de l’étendue maritime. Le film est relativement impressionnant dans l’audace qu’il déploie. En sortant d’un carcan classique, aucun dialogue, accumulation des problèmes sur le navire qui pourrait pousser à trouver certains retournements assez gros, J.C. Chandor créer l’intime dans l’infiniment grand, afin de se sentir au plus proche de son personnage, un navigateur perdu en pleine mer sous les traits de Robert Redford, qui doit probablement être un des plus grands acteurs du cinéma encore en activité. Bien que les dernières apparitions du comédien n’avaient pas marqué les mémoires, on peut dès lors considérer que All is lost s’affirme comme la plus belle prestation de l’acteur depuis des années.
Son personnage en répondant avec un calme constant à tout ce qui lui arrive, parvient à nous parler, nous raconter son passé, ce même passé que chaque spectateur sera à même d’imaginer. Cela renforce pleinement sa prestation, l’attachement au personnage, et le fait de passer outre la crédibilité des problèmes auxquels il doit faire face (sans doute le seul point faible du film). Pour le reste, toute la crédibilité est là, en mode survival, Robert Redford ne lâche rien et donne le meilleur de lui-même pour chacune des scènes, ou quand le charisme rime avec talent.
Jouant habilement de l’âge de l’acteur, le réalisateur sans tricher inscrit les contours de son personnage en adéquation avec ceux du comédien. Brillant, toujours magnétique, Robert Redford porte le film à bout de bras et déploie une énergie (de jeu et physique) pour donner vie et corps à ce navigateur qu’on pense finalement connaître au bout du voyage. Le fait de n’avoir aucun dialogue laisse tout le plaisir visuel pour découvrir l’immense prestation du comédien (excepté une voix off en début de film et quelques tirades jetées en pleine mer).
Si on pouvait être surpris par le thème abordé du second film de J.C. Chandor, on se ravise très vite quand la scène de fin vient répondre au prologue, dans une critique imagée de notre société capitaliste (on vous laisse le découvrir les détails subtils de la mise en scène sur ce point).
All is lost sous sa parure de « conte de survie » délivre la parfaite allégorie d’une (de la ?) vie.
Autant par le message spirituel qu’il renvoie, que l’épreuve physique que le personnage subit, le film borde les voiles de l’expérience cinématographique. C’est la conjugaison d’une mise en scène soignée, précise, au talent d’un comédien qu’on aime tant voir. Comme-ci l’appel au secours en pleine mer était un simple rappel de son talent avant qu’il ne disparaisse, au plus proche de bientôt 50 années de carrière. Probablement une façon élégante de nous suggérer que la statuette dorée pourrait enfin être attribuée à Robert Redford pour un premier rôle. D’ici là, certains refuseront d’embarquer, cela serait rester à quai, ignorer un voyage qui sous des allures d’ennui, ressemble terriblement à une ode à la vie.