« Un orage, manquait plus que ça. »
Après avoir enfin vu l’Apocalypse Now de Coppola et ayant grandi dans les années ‘80, je me suis dit que j’étais peut-être enfin prêt à regarder tous ces films qui traitèrent, chacun à leur manière, de la guerre du Vietnam. Je me devais donc de regarder ce Rambo dont mes camarades faisaient l’éloge jusqu’à la nausée.
Première impression après un quart d’heure : Sylvester Stallone joue plutôt pas mal, même quand il parle (même au-delà du monosyllabisme). Même si on sent tout de suite les méchants très méchants (Brian Dennehy, juste bon pour quelques téléfilms oubliables et Jack Starrett qu’on a fort heureusement oublié), typique des films de série B (ou qui ne méritent pas plus que ce label) de l’époque, peuplés de psychopathes et de vengeurs fascistoïdes. Ça, je l’avoue, c’est le deuxième point qui m’a toujours empêché de regarder ce film, la crainte de voir une débauche moralisée de violence criminelle. Entendons-nous, j’adore les films de Tarantino et l’esthétisme de la violence mais précisément quand c’est immoral. La violence pour la violence ou gratuitement, je suis d’accord. La violence comme réponse moralement justifiée, j’ai du mal.
Deuxième impression, donc, on va visiblement parler du sort des soldats américains de retour du Vietnam et rejetés par les autorités (ici la police d’un bled montagneux assez perdu) et touchés par le stress post-traumatique, notion bien plus ancienne qu’on ne le l’imaginerait.
Troisième impression : quand ça démarre vraiment, on regrette que le film ait été mis entre les mains d’un inconnu qui aurait dû le rester. Les scènes d’action sont drôles à leur insu tellement elles sont mal chorégraphiées et filmées et la scène de poursuite digne d’un mauvais épisode de Starsky et Hutch. Série B, donc.
Quatrième impression, la demi-heure passée (oulah, on n’est pas rendu!), les dialogues sont indigents mais le personnage de John Rambo, presque naïf, est attachant, je le reconnais. Presque pacifiste, le gars. Et c’est la police qui passe pour un repaire de gros fachos, pas le héros, qui se la joue à la façon d’un David (il est clairement plus petit de taille que les policiers qui le traquent) avec sa fronde contre un Goliath hélicoporté.
Cinquième impression, avec une réalisation un rien plus léchée (c’est clairement bâclé) et quelques pointes d’humour intelligent voire le travail de vrais dialoguistes, le scénario (simple mais efficace) aurait gagné en intérêt.
Sixième impression (et sans doute la dernière) : John Rambo n’est pas un soldat quelque peu aguerri moyen, c’est une machine créée pour tuer. Une sorte de super héros et je comprends mieux l’engouement béat pour ce film, dès lors. Je le partage d’autant moins, hélas.
En résumé, avec de vrais acteurs (en gardant Sylvester Stallone), avec un vrai réalisateur, avec de vrais scénaristes (sans garder Sylvester Stallone et en privilégiant les dialogues polysyllabiques), avec, même, une musique moins conventionnelle et stéréotypée que celle fournie par un Jerry Goldsmith pas très inspiré, avec aussi, un long plan séquence sur la scène finale, Rambo aurait pu trouver une place au panthéon des films sur le Vietnam et ses conséquences, un soldat paumé traqué par la police et l’armée de son propre pays alors qu’il n’a rien fait de mal (je dois dire que j’ai apprécié la petite morale sur les préjugés du début, hélas trop légère). Ne fût-ce que la chasse à l’homme était un sujet intéressant mais il manque l’essentiel : l’homme. Au-delà de ses compétences de guerilla, on n’apprend rien de lui, de sa personnalité, de son histoire, de son fonctionnement (ou très peu) et on passe ainsi à côté d’un vrai bon thème à exploiter. Au final, Rambo n’est qu’un film de série B destiné à l’exploitation naissante de la VHS et qui a réussi.