Ralalah ! Il me frustre ce film ! Mais il me frustre ! Que de bonnes idées posées pour êtres finalement savatées par une plâtrée de déceptions ! Parce que oui, j’avoue qu’en cette période où le cinéma de science-fiction manque cruellement d’imagination, moi ça m’a fait bien plaisir d’assister à quelques belles tentatives dans ce « Seven Sisters » ! Déjà ça fait du bien de voir un film de science-fiction se rappeler qu’à la base, le genre est pensé pour se projeter dans l’avenir. Là, en s’investissant de la question épineuse de la surpopulation (qui, paradoxalement n’est pas tant traitée que cela au cinéma : moi, à part « Soleil Vert » et la série « Utopia », rien ne me vient…), ce « Seven Sisters » a déjà le mérite de renouer avec ce qui fait pour moi le vrai sel du genre. Autre plaisir, le film se risque aussi très rapidement à nourrir une intrigue aussi riche dans son univers que dans les péripéties qu’il entend traiter. Il y a là-dedans un petit côté puzzle qui nous oblige à jongler avec toute la logique nouvelle de ce monde (celui de la fédération européenne et du contrôle strict qu’elle impose aux populations) mais aussi celle de ce monde présent à l’intérieur du monde (celui des sept sœurs qui elles aussi se doivent de s’imposer une discipline et une logique qui leurs sont propres). Or, ça aussi pour moi, ça fait partie des petits plaisirs que peut nous refiler la science-fiction. Ah ça ! La gymnastique intellectuelle, rien de tel ! Surtout qu’en plus de ça, le film imprime dès le départ un rythme très soutenu, ce qui fait que je n’ai pas vraiment pris le temps de m’ennuyer. Très rapidement, le film sait alimenter l’exercice gymnastique avec de nouveaux éléments apportés à l’intrigue. Bref, « de bonnes idées » vous disais-je… Le problème, c’est que – comme je vous le disais aussi – ce « Seven Sisters » se font assez rapidement laminer par un joli paquet de déceptions, à tel point qu’on pourrait presque rebaptiser ce film « Seven Deceptions ». Première déception : la forme. Ah ça ! Sur un scénario comme ça, mais qu’est-ce qu’il me manque un réalisateur comme peut l’être un Andrew Niccol ! C’est très sensationnaliste. La direction artistique est assez incipide. La musique est omniprésente et très pompière (Il y a tellement de cornes de brume dans ce film qu’on se croirait en pleine chasse à cour) ; quant aux bruitages, ils sont souvent exagérés de manière vraiment abusive, frôlant parfois le ridicule dans certaines scènes d’action. Personnellement, je trouve que ça dessert totalement le film. C’est vouloir asséner à coups de marteau ce qui pourrait passer assez sobrement au vu de la richesse initiale du scénario. D’ailleurs, deuxième déception, c’est que ce traitement de bourrin apporté à la forme, on finit aussi par le retrouver dans l’intrigue, et notamment dans l’univers mis en place. Alors qu’au départ il y avait un côté très ambivalent dans cet Etat de la Fédération européenne (OK, leurs mesures sont drastiques, mais on nous fait bien comprendre qu’au fond on n’a pas mieux pour assurer un avenir à l’humanité), très rapidement le film n’hésite pas à binariser les positions (oui, « binariser », j’invente des mots quand ça m’arrange). Et puisque dans ce film les sept sœurs sont les gentilles, alors forcément l’Etat sera méchant… Mais alors vraiment très méchant ! Et encore une fois, je trouve que c’est un choix plus que discutable car, d’une part je trouve qu’une répression froide est finalement plus glaçante pour le spectateur (…et surtout plus crédible qu’un monde où les agents des allocations familiales se transforment en commandos dignes des waffen-SS. Bah oui, c’est bête, mais bon moi à chaque fois que j’entends parler de ce bureau des allocations, ça m’a fait sourire, comme quoi !) et puis d’autre part, la binarisation du propos tue finalement toute la réflexion qu’il serait possible d’avoir sur la question éthique ici posée. Après tout, pourquoi écouter les arguments de l’Etat régulateur puisque ce sont les méchants ? (Là encore, un Andrew Niccol manque terriblement.) Le pire, c’est qu’à force d’impacter le scénario, ça finit par le tuer littéralement puisque – troisième déception – la dynamique par l’intrigue est très vite remplacée par une dynamique par les scènes d’action. En gros, le film tient trois bons quarts d’heure avant que l’intrigue se se fasse littéralement torpiller par ses scènes d’action. Elles deviennent très vite nombreuses, régulières, interminables, si bien que l’intrigue se retrouve très fréquemment mise entre parenthèses. Et si encore c’était de la bonne action ! Mais non ! Il faut qu’en plus ces scènes soient mal gaulées ! Chacune d’elle est interminable, surfaite, souvent invraisemblable, parfois ridicule, et surtout manquant terriblement d’imagination. Là, une fois de plus, la froideur d’un Andrew Niccol aurait fait des merveilles. Au lieu de cela, on a à faire avec un Tommy Wirkoka qui passe son temps à faire hurler ses personnages tout en faisant exploser nos tympans à chaque coup de feu tiré. Et encore, je suis gentil, je ne vais pas évoquer tous les pompages éhontés et peu inspirés auxquels se risque ce film (« Allez vas-y Neo ! Saute sur ce toit d’immeuble ! Tu peux le faire ! ») Cette surenchère de scènes d’action à répétition en vient dès lors à poser un terrible paradoxe : loin de faire respirer ce film, celles-ci finissent par casser et diluer le rythme. Et le problème avec ça, c’est que moi, face à ça, forcément je dilue aussi mon implication dans ce film, même si pour le coup, je trouve que les torts à ce sujet sont partagés. Parce que, pour le coup, si les scènes d’action paraissent aussi répétitives, c’est aussi parce que – quatrième déception – le scénario a décidé de les enchaîner dans une structure aussi rigide que mécanique. En gros, on nous annonce dès le départ que l’intrigue se déroulera sur sept jours, qu’à chaque jour une sœur sera jetée dans l’arène pour faire avancer l’intrigue, et qu’au final cela permettra d’aboutir à la révélation… Seulement voilà, autant je trouve que ça marche au départ tant que le film parvient à rester très évasif sur ce qui arrive chaque jour à la sœur qui était de sortie, autant ça ne marche plus du tout dès que les choses deviennent plus triviales et que la mécanique répétitive est lancée. A partir du moment où on sait qu’on voit se répéter ad nauseam un schéma : une sœur sort – elle part à la recherche d’un indice - elle l’obtient après une longue scène d’action – puis
elle meurt
: eh bah c’est tout de suite beaucoup plus compliqué d’assurer l’attention de spectateurs je trouve. Pire, je trouve que cette mécanique de scénario incite presque implicitement le spectateur à ne pas s’attacher aux personnages. Et là pour le coup, ça en vient carrément à questionner la pertinence du nombre de sœurs. Cinquième déception : il y a trop de sœurs… Bah ouais, je comprends le trip « une sœur – un jour » mais dans les faits, ça entraine plein de complications. Avec sept sœurs, on oblige le film à se diviser en sept jours. Or, ces sept temps, le scénario n’a clairement pas de quoi les occuper. Le problème se pose d’ailleurs aussi pour les personnalités des sœurs ! Va faire coexister sept personnages principaux sur un temps de film aussi court ! Va permettre d’ailleurs au spectateur de les identifier ! Du coup, la solution trouvée a été de grossir le trait pour chacune d’entre elle. Les conséquences désastreuses sont multiples : personnages caricaturaux ; surcharge des scènes où elles sont à sept ; identifications difficiles… Le pire c’est que ça se fait au détriment de Noomi Rapace qui y perd toute la subtilité qu’elle aurait pu donner à cette gymnastique d’actrice. Franchement, avec seulement quatre sœurs, tout ça aurait été plus clair. L’intrigue pouvait toujours s’accomplir telle quelle (
Lundi était toujours la traitresse. Mardi l’éborgnée qui partait à sa rescousse le lendemain. Jeudi et Samedi les deux restantes pour mener le reste de l’intrigue
) ; elle se serait d’ailleurs déroulée plus vite, et on aurait même évité les multiples scènes larmoyantes vite gonflante à chaque mort de sœur ! Alors après, tu les appelais Printemps, Eté, Automne, Hiver et tu faisais une rotation tous les quatre jours ! Et hop ! C’était réglé ! Parce qu’à vouloir trop en faire, finalement, ce film finit par faire n’importe quoi. C’est d’ailleurs ma sixième déception : le scénario s’emmêle très régulièrement les pinceaux et n’hésite pas parfois à envoyer balader sa propre logique.
Au départ on décompte les jours, et puis finalement on ne les décompte plus ! On ne cesse de nous montrer que tout est contrôlé, y compris l’achat de nourriture, mais qu’un mec ait pu nourrir huit bouches à lui tout seul pendant trente ans, ça n’attire pas l’attention d’un Etat pourtant très tatillon. Le mardi, on mène un assaut dans l’appartement des sept sœurs pour toutes les éliminer, et puisque l’assaut se révèle être un échec, l’Etat décide de… laisser les sœurs tranquille dans leur appartement jusqu’au vendredi suivant ! Ah ça il n’y a pas à dire ! Comme quoi aux allocations familiales on a su conserver une fibre sociale visiblement ! Idem, on nous suggère l’idée que Lundi et Mardi sont mortes au début du film pour finalement nous apprendre à la fin que non… Sauf que le souci c’est qu’une heure plus tôt on nous avait montré un sac pleins d’yeux qui confirmait bien que les deux sœurs étaient bien mortes, du moins qu’elles avaient été toutes les deux éborgnées ! Et je n’ose même pas parler de ce monde politique où même trente ans plus tard ce sont toujours les mêmes pubs qui sont diffusées ; où une politicienne attend trente ans pour se présenter à un poste… qu’elle devait certainement déjà occuper trente ans auparavant puisque sa politique a été appliquée ; ou bien encore où il est possible qu’une population entière croie qu’on pourra décongeler tous ceux qui sont en trop dans un avenir où il n’y aura plus de surpopulation (mais oubliant visiblement au passage que si on les décongèle, eh bah on revient à la situation de surpopulation initiale !)
Enfin bref, beaucoup de soucis vous en conviendrez… Mais reste le dernier qui est finalement le plus regrettable à mes yeux. Ma septième et dernière déception : c’est le traitement qui est fait du sujet choisi… Bah oui, c’est tout bête, mais la question de la surpopulation est une vraie question intéressante qu’il est bien dommage de réduire à la simple situation évoquée dans ce film.
En gros, soit on se bouffe un Etat autoritaire et meurtrier, soit on subit les taux de natalité élevés. Bref, on a l’air de nous dire qu’il n’y a pas de solution de toute façon. Or, pour moi, c’est une façon de benner le débat philosophique et politique qui peut exister autour de cette question. Beaucoup de pays développés ont une population qui baisse actuellement, ce qui pourrait être très bien vécu par ces sociétés si celles-ci adoptaient d’autres modèles de développement et une autre logique de répartition des richesses.
Là, en réduisant tout son propos qu’à un simple horizon binaire indépassable, le film rate totalement l’occasion de traiter le sujet avec le minimum d’intelligence qu’on était en droit d’attendre d’un film de science-fiction… En somme, pas mal d’audaces et d’ambitions dans ce film, c’est vrai… Mais malheureusement – encore et toujours – ce sont les audaces les plus essentielles qui auront manqué à ce « Seven Sisters » : l’audace de développer un propos, de le politiser, de ne pas caricaturer et binariser les personnages comme les postures, de ne pas faire de matraquage formel… Une belle occasion de manquée donc… En tout cas moi c'est ce que j'en pense. 62.Après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)