Il faut voir Searching for Sugar Man.
Son réalisateur Malik Bendjelloul cherchait une idée de film pour une chaîne suédoise, vers 1995. Le voila qui tombe en Afrique du sud, sur un disque d'un type qui lui est totalement inconnu. Le disquaire lui raconte alors cette histoire que personne n'aurait imaginé tout seul, tellement invraisemblable qu'elle passerait presque pour un documenteur type Forgotten Silver.
Sugar Man est un documentaire, aboutissement sur la redécouverte d'un artiste qui était célèbre sans le savoir. Ce périple eu lieu à la fin des années 90, et aujourd'hui il n'a échappé à personne que les disques de "Sugar Man" ont envahi les rayons. Bendjelloul part à la recherche de tous ceux qui ont pu côtoyer ce chanteur guitariste américain, Sixto Rodriguez. Celui-ci sortit deux albums dans les années 70 et en vendit six exemplaires, avant de disparaître complètement de la circulation. Ses chansons, poétiques, rafraîchissantes et aux sonorités dylanesques troublantes, se retrouvent on ne sait comment en Afrique du Sud, du temps de l'apartheid. Je ne peux en dire plus sans vous gâcher le plaisir, sinon que le régime en place de l'Afrique du sud a empéché toute fuite à l'étranger de ses disques, alors qu'ils devenaient de véritables hymnes d'une certaine jeunesse blanche et libérale, se vendant comme des petits pains.
Ce documentaire est classique dans sa forme. il s'agit essentiellement d'interviews de personnalités diverses -journalistes, disquaires, producteurs. Mais ils sont entrecoupés de belles images d'Amérique, de Johannesbourg, et de passages en une sorte de dessin animé 2D du plus bel effet. Pourtant, le rythme de Sugar Man n'égale pas celui du dératé "The story of Anvil", dans le même genre, qui suivait la carrière d'un groupe de heavy metal oublié qui court encore après la célébrité. Comment lui en vouloir? Bendjelloul s'est retrouvé tout seul pour réaliser son premier film, ses financiers l'ayant lâché au dernier moment. Sachant ça, ce n'est pas seulement de l'indulgence qu'on éprouve, mais aussi une certaine pitié de savoir que ce film aurait pu ne pas voir le jour pour cause de bêtes impératifs capitalistes.
Car "Sugar Man" est une véritable fable, une ode au bonheur et à la joie de vivre, qui redonne confiance en l'humanité. Malik court vainement après ce chanteur qui, il y a encore 15 ans, n'existait même pas aux yeux du reste du monde, n'avait même pas la moindre entrée sur google. Il na jamais touché le moindre centime dû à sa célébrité. Bendjelloul nous fait découvrir un homme touchant, d'une grande sagesse, extrêmement modeste et vivant humblement, pour ne pas dire quasi misérablement. On n'éprouve même pas de la tristesse pour lui: en effet, lui prend toute cette histoire avec beaucoup de légèreté, quand bien même il passa sa vie à travailler péniblement comme manoeuvre de chantier à Detroit, cette ville désertée. Pendant ces 3 décennies, beaucoup d'argent lui était dû, où est-elle passée? Une sacrée histoire...
Il faut voir Sugar Man. Et il faut écouter ses disques.