Une bande hétéroclite de gangsters des années trente, décimée par la répression armée, se retranche un soir d'orage dans une maison familiale digne d'un vieux film d'horreur rétro : architecture rêvée de toute pièce, hantée, où se mêlent (sans se distinguer autrement qu'en fonction de leur position par rapport au tapis du salon) vivants et fantômes, trahison et loyauté, souvenirs effacés, objets égarés, regrets, temps perdu à jamais, manques, pertes, fantasmes inassouvis, refoulés, inavouables ; un moyen dérivé pour le chef de bande - le père de famille - de faire son retour tonitruant dans ce foyer qu'il a abandonné et littéralement oublié, où il ne reconnaît même pas son propre fils qu'il trimbale comme un otage ligoté et bâillonné. Déroulant la pelote des liens filiaux défaits pour retracer le plan d'une histoire familiale occultée (il n'y a que dans le cinéma de Guy Maddin que l'on peut croire qu'en changeant les meubles de place, on résout les situations), Guy Maddin se lie plus personnellement que jamais à ses personnages et ferraille lui-même à travers la nuit obscure de l'oubli, tentant de recouvrer et rassembler une mémoire intime qui s'échappe par tous les bouts, de couloirs en couloirs, pièces par pièces, explorant l'absence à l'aveuglette, le moindre tiroir, placard, objet, chambre, trou de serrure, histoire improbable du cinéma, soulevant dans une tornade existentielle mille secrets et trésors cachés dans l'ombre, mis en lumière soudainement par le flash d'un éclair, le feu de la mitraille, le miroitement chatoyant d'un reflet......