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Estonius
3 306 abonnés
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5,0
Publiée le 30 mars 2015
Le film est assez subtil parce que Buñuel a su créer un personnage beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. En fait Nazarin veut être le contrepoint de la religion avec son côté institutionnel (respectable) et ses dérives superstitieuses. Or en adoptant un mode vie franciscain, il ne sert à rien, malgré sa sincérité, il renforce la superstition qu'il veut combattre, il nuit aux salariés en acceptant de travailler pour un bol de soupe, il subit, se résigne, se déconsidère… Et tout cela est montré de main de maître.
Dernier film mexicain de Don Luis, Nazarin est une fable dans la lignée de La Montée au ciel, contant le trajet christique d’un prêtre. Soulignons tout d’abord la performance puissante et inspirée de Francisco Rabal, l’un des grands interprètes de Buñuel. Saluons ensuite la mise en scène du grand d’Espagne, à la hauteur de son génie. Venons-en enfin au fond, typique de son œuvre, qui remet en cause non pas la religion mais tout simplement la croyance. À travers cet homme qui accepte son sort quand il est volé, calomnié, injustement accusé, poursuivi, traqué, injurié, frappé, c’est tout le chemin de croix de Jésus qui est évoqué… Mais ici point de résurrection, point de salut. Le ciel est vide et aucun espoir n’est à attendre. Le message de Buñuel a rarement été aussi noir, sans être désespéré pour autant. Si rien n’est à espérer d’une autre vie hypothétique, il reste la Terre, qui peut être source de joies simples pour peu que l’on prenne le temps de les savourer. C’est ce que nous montrent les images, toujours d’une audace folle et venant parfois s’inscrire en contrepoint opposé au propos apparent… La subtilité de Buñuel est ici éclatante pour donner une œuvre solide, pas tout à fait à la hauteur de ses grands chefs-d’œuvre mais passionnante de bout en bout.
Dans «Nazarin» (Mexique, 1958), Luis Bunuel prend un plaisir malin et pervers à détourner toutes les tentatives de bonté du prêtre Nazario (Francisco Rabal) en erreurs punies. Lhistoire est celle dun prêtre acète qui vit comme le Christ et arpente les rues pour donner son aide. Accompagné par deux femmes, les mauvaises langues feront vite de taxer lhomme de polygame. Ceci nest quun seul exemple des perpétuelles calomnies quaffrontent Nazario La principale cause de défaillance du prêtre demeure dans son aveugle confiance en la justice divine. Cette dernière lempêche de déjouer les pièges de la justice humaine. Ainsi, Luis Bunuel égratigne la foi chrétienne en la tournant malignement au ridicule. Le plus cocasse demeurant dans linébranlable honneur que ne cesse de garder Nazario. Formant avec «Viridiana» (France, 1961) deux tableaux anti-cléricales, «Nazarin» sancre véritablement dans lathéisme de Bunuel. Le film sillumine surtout dans le contraste entre la violence humaine et le pacifisme passif de la foi chrétienne. «Nazarin» est un véritable cri de contestation comme lensemble de son uvre. Peut-être plus que ses autres oeuvres parce quelle névite personne et que si cest la religion chrétienne qui est bafouée, cest aussi les comportements irrespectueux qui sont dénoncés. En conclusion, ce film de la période mexicaine de Bunuel annonce la ligne de conduite de son cinéma français, une ligne de conduite réactionnaire qui met en déroute la religion et le mépris général. Non sans prendre une pitié pour lhomme Nazario, cest surtout le religieux que Bunuel ridiculise avec plaisir tout en sachant laisser la place de respect qui incombe au film pour ne pas tomber dans le pamphlet gratuit.
C'est mon cinquième film de Bunuel (si on ne compte pas un chien Andalou), je m'attendais à un certain cinéma, quelque chose d'un peu absurde, de violent (pas forcément physiquement). Une histoire de prêtre ça me passionne normalement (comme tout ce qui touche à la religion), l'idée de base est vraiment pas mal du tout. Un prêtre bon et généreux qui entame une sorte de chemin de croix. Sauf que le film met une demi heure à se mettre en route. (et encore c'est la demi heure que j'ai préféré), et ensuite il ne se passe pas grand chose non plus. J'ai l'impression qu'il manque un certain rythme à ce film, quelque chose qui lui insuffle un souffle de vie. Lorsque je regarde des films sur la foi (car il en est un peu question ici aussi), sur la religion, je vois des acteurs presque en état de transe, je pense à Ordet ou bien la Passion de Jeanne d'Arc (Thérèse d'Alain Cavalier ferait aussi bien l'affaire). Bunuel décide de le traiter autrement, libre à lui, après tout il n'y a pas qu'une seule façon de faire et heureusement, mais j'ai pas trouvé ça convainquant. J'ai trouvé ça banal, un comble pour un Bunuel.
Une hagiographie bien nauséabonde. L'illuminé Nazarin, une espèce de Saint-François d'Assises prenant son pied à être traîné dans la fange, se lance dans un chemin de croix de près d'1h30. Il débite le discours catholique classique du fléau de Dieu, du pardon inconditionnel, de la recherche absurde de la pauvreté. C'est franchement pénible. Cela devient même ridicule quand il forme une petite équipe avec ses deux admiratrices et le nain de jardin. En lui mettant une cape sur les épaules, et en filant un arc à la fille publique et une épée à la bonnasse, on pourrait presque se croire dans "Le seigneur des anneaux". Vous l'aurez compris, ma fibre religieuse a réagi violemment à ce film, je l'abhorre de toutes mes forces.
Padre est seul jusqu'à ce qu'il rencontre ces deux femmes. Elles n'ont de cesse de le défendre mais le monde est trop dur et le prêtre peut être trop résigné à faire le bien malgré tout. Il le dit d'ailleurs. "Il m'en coûte beaucoup mais je vous pardonne ". Un critique disait: vous comprendrez son sens profond dans son apparente simplicité. Beau film triste
Pour ceux qui s’intéressent à la période mexicaine de Buñuel, ce film est incontournable, tant par sa qualité, que par les résultats que Buñuel obtient avec le peu de moyens dont il a disposé. Les nombreux thèmes de prédilection du cinéaste sont déjà présents, extrêmement bien traités. L’intrusion de la superstition dans la religion, le conformisme et l’hypocrisie de la haute hiérarchie cléricale, ou encore les différentes formes de perversion mentale que la religion opérait sur les âmes dans l’univers latino-américain. Deux fausses notes : l’inégalité du jeu de Francisco Rabal et une fin peu travaillée.
Lorsque Nazarin propose de travailler pour gagner un repas, il déclenche une rixe car le contre maître est accusé d’avoir spolié un autre de ce travail. Toute l’action du film peut se résumer dans cette séquence. Réquisitoire sans faiblesse contre la charité chrétienne, la croyance qui finit par se confondre avec la superstition, les comportements égoïstes entraînant l’absence de solidarité y compris de la part des pauvres, l’hypocrisie des hiérarchies en général et de l’église en particulier. Nazarin se voit reprocher par cette dernière un comportement indigne pour un prêtre, à savoir la charité. Plus le héros fait du bien et tente de suivre la voie du Christ, plus les tourments se déchaînent autour de lui, entraînant une perte de certitude et de repères, jusqu’à douter de la foi. Filmé de manière très directe qui rappelle les grands films noirs américains : aucun plan sans signification, le tout dans un noir et blanc superbe de Gabriel Figueroa qui refuse tout effet carte postale et une mise en scène de Buñuel qui illustre parfaitement un scénario qui va toujours à l’essentiel. Une certaine ironie en contrepoint de l’austérité de la forme, accentue la force du propos, si bien que le déroulé de seulement 94 minutes défile sans un soupçon d’ennui. « Nazarin » se classe au niveau de « Los Olivados ».
Une déception relative vis à vis de ce Buñuel qui manque sérieusement de fluidité dans sa mise en scène et dans le déroulement de l'intrigue. Ce qui est dommage car c'est sans conteste un des films les plus personnels de son réalisateur à travers une vision très corrosive de l'Eglise, où un "saint" est rejeté parce qu'il représente l'Eglise telle qu'elle aurait dû être et non pas telle qu'elle est, et surtout de l'être humain. Bon d'habitude, Buñuel n'était pas du tout un grand optimiste mais là il est atteint bien un point de non-retour dans le pessimisme et la noirceur se permettant juste une petite lueur dans la dernière scène (enfin faudrait peut-être me dire comment consommer un ananas sans l'aide au moins d'un couteau ???). Une oeuvre peu captivante mais qui garde le mérite d'y aller à fond dans son sujet.
Toujours à l'aise dans la misère d'où il sait tirer des interprétations aussi bien que des témoignages, Buñuel s'attaque cette fois au prêtre idéal. Beaucoup trop, d'ailleurs : sans défaut, le padre réconforte tout le monde, et de tout le monde supporte sans broncher les insultes et les coups. Mais de l'essence de ce religieux idéal, il fait jaillir une métaphore énorme qui n'aurait pas existé sans ces excès : le paradoxe du saint, adoré par les uns et abhorré par les autres. Tout gravite autour de lui tel un maelström compliqué, alors qu'il n'y a pas d'homme plus simple que lui ! Et, contradiction ultime, cet homme d'un altruisme et d'une lucidité hors du commun baigne dans un monde séculariste où il ne manque pas lui-même d'être le vecteur de la parole chrétienne, quoique dans un sens originel extrêmement sain. Et il lutte pourtant contre les superstitions ! Des oppositions magnifiques mises en oeuvre sans en avoir l'air.
On se prend de passion pour l'histoire de ce prètre trop humain et honnête et on compatit pour lui, l'acteur Francisco Rabal lui donnant tellement de présence et de crédibilité... Un grand Bunuel...
Ce film est d'autant plus savoureux qu'il est ambigüe. En effet, on ne peut pas dire que c'est une attaque frontale de la religion ("catholique apostolique romaine" dixit Nazarin), toutefois bien sûr il ne prêche pas l'obéissance aux dogmes non plus ! On pourrait comparer la situation au "Bouvard et Pécuchet" de Flaubert qui avoue finalement s'être attaché a ses deux héros-idiots dont il voulait initialement faire deux "cancrelats" méprisables. De la même manière, on se sépare et on se rapproche du prêtre-candide, surtout si on le compare aux autres personnages. Car en fait, c'est surtout les autres qui en prennent pour leur grade. (Hiérachie éclésiastique comprise naturellement.) En bref, comment, si l'on a un tant soit peut conscience de sa condition, ne pas se sentir proche du piteux héros-albatros ? Cela étant dit reste une autre lecture: celle d'une religion totalement en décalage, impuissante à régler les problèmes des hommes, et qui ne fait au contraire que les aggraver. Mais que faut-il en conclure ? Nazarin a tranché à la fin...
Film sobre et profond comme le personnage principal. Un Bunuel à découvrir sans hésiter pour le thème intemporel abordé et la qualité de la réalisation.