C’est un déluge de critique plus qu’élogieuses qui a plu ces dernières semaines sur Les Bêtes du Sud Sauvage, et on ne peut en effet qu’admirer les nombreuses réussites de ce premier film, une Quvenzhané Wallis (Hushpuppy) prodigieuse, pleine de malice, d’innocence enfantine (sur laquelle le film insiste un peu trop toutefois) face au monde qu’elle voit disparaître, le Bayou, emporté par un déluge, à celui qu’elle découvre, le monde dit moderne et évidemment dans la lutte face à ses peurs, personnalisée par des auroch, et la maladie de son père.
De même il est évident que le talent de Ben Richardson, le chef operateur, et celui de mise en scène de Benh Zeitlin nous offrent des images magnifiques, des joyeux bordels de marginaux du Bayou qui explosent de joie de vivre aux scènes contemplatives post-apocalyptiques marécageuses et dégoulinantes. Le film joue énormément sur cette alternance entre apocalypses et quotidien, c’est ainsi que le réalisateur traite son travail sur la résistance : Hushpuppy est confrontée à cette alternance et doit subir ces apocalypses des degrés divers (la grande fête d’ouverture, l’incendie, la maladie de son père, le déluge, le départ forcé…) entrecoupés de scènes des plus communes (elle va à « l’école », prépare à manger, apprend à pêcher…). C’est aussi la résistance d’une communauté, qui préfère mourir au Bayou que vivre de l’autre coté, qui tentera tout pour garder leur « coin de paradis » en putréfaction, « home ». Cette recherche sur la résistance à deux niveaux baigne toutefois dans un onirisme voyant, palpable. Tout comme la voix off peut être pleine de sensibilité, le réalisateur joue trop sur son coté enfantin pour se justifier et l’utilise parfois de manière bancale, avec des phrases « marrantes » de description du monde moderne par une enfant qui ne l’a jamais connu, « ici quand les gens sont malades, on les accroche au mur » pour parler de la perfusion. Ca ne marche que parce que cela sort de la bouche d’une enfant.
Alors que le travail de mise en scène est assez formidable et parvient souvent à ses fins, une musique héroïque et pompière a été ajoutée, ce qui brise instantanément la finesse de l’image, mais le réalisateur ne peut s’en prendre qu’à lui même, il est aussi le compositeur. On se demande beaucoup où veut en venir le réalisateur, après avoir créé un univers avec beaucoup de talent, que nous dit il de plus ? Entre les aurochs et leur personnalisation des peurs de Hushpuppy et la quête d’une mère morte ou disparue, en passant par un questionnement du spectateur sur l’éducation, le film brasse beaucoup de sujets plus ou moins sensibles mais ne délivre que peu de pistes d’interprétations.
Les références y sont nombreuses, de Malick à la mythologie grecque, le réalisateur nous délivre un film bouillonnant d’idées et de plaisir du cinéma, souvent sensible, mais qui rate tout de même ses effets par trop de surenchère et nous laisse sur notre faim.
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