Que dire de ce film, tellement éloigné de tout ce qu'on peut voir, avoir vu... de tout ce qu'on verra probablement.... les mots manquent, et les points de repère. Le film du trimestre, peut être bien de l'année, le film que quelqu'un (un certain Benh Zeitlin, who is he?) a fait parce qu'il devait le faire -c'est comme ça, une nécessité- sans acteurs, sans plan promo.
Un monde. Un bayou, le "bassin", protégé du monde civilisé par de solides digues, (au Texas je suppose, ça ne ressemble pas à la Louisiane) -un micro-monde où survit une humanité totalement déshéritée, noirs et petits blancs, déshéritée mais heureuse parce qu'en harmonie avec son environnement. Ils n'iront nulle part ailleurs, parce que là c'est plus beau qu'ailleurs, un point c'est tout, et que la vie y est meilleure: il suffit de tendre la main pour ramasser poissons chats, écrevisses, crabes, qu'on fait descendre à grandes rasades de whisky probablement "maison". Les baraques sont des taudis faits de cartons, de tôle ondulée, de planches.... Il y a une institutrice, qui vient en bateau à fond plat faire la classe à une poignée de gamines, à peu près aussi foldingue que les autres du cru. Elle sait qu'autrefois, le monde était parcouru par des troupeaux de féroces aurochs, qui mangeaient les enfants. Puis est venue la grande glaciation, et les aurochs ont été pris sous les glaces. Et maintenant, il y a le réchauffement climatique. Les glaces vont fondre. Et l'eau va monter, et le bassin sera noyé. Fin du vrai monde. Le mauvais monde survivra, derrière les digues...
Une grande tempête se prépare. On évacue les populations, mais il va rester une poignée d'irréductibles, dont Wink (Dwight Henry) et sa petite fille de 8 ans, Hushpuppy. Ils habitent au fin fond de la mangrove, ils ne peuvent se déplacer qu'en bateau (encore une incroyable chose hétéroclite faite avec des morceaux de voiture), chacun dans sa "maison", invraisemblables cabanes de bric et de broc. La petite fille (Quvenzhané Wallis) est incroyable. Enfin, elle EST tout simplement. Les enfants ne doivent pas jouer, sinon ils deviennent des petits singes dressés genre si-j'avais-su-j'aurais-pas-venu. Elle est très belle, Quvenzhané, et sur son petit visage réfléchi et grave, passent toutes les émotions, parce qu'elle sait déjà tout. Cette minuscule petite chose détient déja la sagesse immémoriale du monde. Il faut que les choses soient mises à leur juste place, pour que le monde soit réparé. Il ne faut pas, par exemple, que les aurochs sortent des glaces. Les aurochs, à part un tatouage sur la cuisse de mademoiselle institutrice, elle n'en a jamais vu. Alors elle les imagine, comme de gros cochons noirs munis, sur la tête, de deux cornes acérées. Et finalement, ces gros cochons accoutrés de cornes, ils forment des bêtes d'apocalypse absolument réjouissantes... et terrifiantes....
Elle n'a pas un mauvais père, mais un père malade, qui a des crises de rage incontrolables, alcoolique de surcroît.... Alors, elle parle beaucoup à sa mère, qui a foutu le camp un jour, et qui parait il était si belle que quand elle entrait dans une pièce, les marmites d'eau se mettaient à bouillir toutes seules....
Le déluge arrive, les survivants -ceux qui n'ont pas fuit et n'ont pas été noyés- se regroupent sur une sorte de radeau fait de bicoques. La salinité du bassin est devenue énorme, l'eau ne pouvant s'écouler à cause des digues. Les plantes meurent, les poissons chats crèvent. Les services sociaux capturent les réfractaires, mais ils s'enfuiront. Wink va de plus en plus mal. Que deviendra Hushpuppy?
C'est sublime, et on ne peut même pas expliquer pourquoi.... C'est à voir absolument, en cette période de fête où le cinéma est particulièrement français -et débile....