Complice de Larry Clark, spécialiste ès films coup de poing sur des adolescents mal en point (il a d'ailleurs écrit pour ce-dernier les scénarios de "Kids" et "Ken Park"), Harmony Korine aime lui aussi peindre au vitriol des portraits d'une génération Y en perte de repères dans une société où tout va vite, très vite, trop vite, tel les images frénétiques d'une pub à laquelle nous sommes soumis en permanence. Après les très bons "Gummo" et "Mister Lonely", le voici de retour avec le déroutant et énervant "Spring Breakers", sorte de clip MTV d'1h30.
Dans son style habituel, Korine réalise un long-métrage décapent, brutal et sans la moindre concession. Il y tire à boulets rouges sur cet événement complètement édifiant et inepte qu'est le springbreak, semaine de relâche avant les examens de fin d'année où de jeunes et beaux étudiants, future élite du pays, s'autorisent absolument tout et n'importe quoi. Le sexe, drogue et rock'n'roll de Woodstock c'est du pipi de chat à côté ! Dans ce monde qui semble imaginaire tellement ce qui s'y passe est irréel, cette jeunesse symbolique de la culture occidentalo-capitaliste met en exergue, avec fierté et bonheur, sa dépravation, sa décadence, sa déliquescence. Alors le cinéaste utilise à outrance tous les codes inhérents à ce springbreak d'une rare vacuité qu'il souhaite dénoncer : corps dénudés, esthétique de clips et de jeux vidéos, nervosité, frénésie, musique techno, soleil, plages, sexe, fêtes qui n'en finissent pas... Pendant la première demi-heure, son concept, extrêmement mince il faut l'avouer, ne tourne qu'autour de ça, comme une chanson abrutissante laissée inlassablement sur le mode repeat. A un moment on a compris : les jeunes sont aussi dépravés que perdus et font des soirées à leur image où le no-limit est souverain... Mais c'est le gros problème de Korine sur ce film : outre sa mise en scène tapageuse, vulgaire et ostentatoire, il ne montre pas le moindre iota de subtilité et ne peut s'empêcher de surligner au marqueur le plus petit message qu'il essaye vainement de faire passer. Rien est fait en douceur, mais avec la maladresse légendaire d'une bimbo siliconé. Tout devient donc atrocement lourd et répétitif, et la critique acerbe devient aussi factice que l'adolescence qu'il souhaite dénoncer. Même son le second degré ne passe pas ici. Finalement, "Spring Breakers" sonne aussi creux que le cerveau de ses héros.
La rencontre des quatre étudiantes avec le personnage de James Franco, gros cliché du gangsta ayant érigé le consumérisme en roi, donne (enfin) un peu d'épaisseur au film, épaisseur qui se dégonflera aussi vite qu'un matelas de plage crevé. Car tout ce que Korine souhaite ici dénoncer est fait avec tellement peu de force, est tellement appuyé, trop pompeux, sans finesse ni psychologie, que l'on en vient à se sentir nauséeux comme après une soirée trop alcoolisée.
C'est fort dommage car le réalisateur de Gummo a du talent et de très bonnes idées parfois, comme le prouve la façon dont il filme le braquage de ses jeunes héroïnes, ou encore la scène savoureuse où Franco chante du Britney Spears au piano. Sans oublier l'atmosphère complètement surréaliste et artificielle dont il arrive à imprégner son film, sorte de rêve transformé en cauchemar dont on ne peut jamais se réveiller. Et puis choisir deux anciennes stars de l'écurie Disney (Vanessa Hudgens et Selena Gomez) pour incarner la dépravation adolescente est cynique à souhait. Mais pour les bons points ce sera tout car à force d'en faire trop, de basculer sans cesse dans l'excès avec cette narration éclatée, ce montage fragmenté, ces ralentis omniprésents, cette profusion d'image ou une BO assourdissante, il se tire une balle dans le pied. Surtout, "Spring Breakers" se veut nerveux et rythmé mais il souffre finalement d'atroces longueurs, en grande partie à cause de son scénario d'un vide abyssal, étiré et dilaté à l'extrême. Et si le jeu de ses starlettes est aussi mince que leurs bikinis, même James Franco ne livre pas une grande prestation. A l'image du film lui-même, il en fait trop et finit par cabotiner. On comprend bien que Korine a volontairement pensé démesure et surenchère quand il a pensé sa mise en scène, mais finalement il nous offre des vacances ratées et ennuyeuses qui ne nous pousse qu'à une chose : rendre notre location pour rentrer vite à la maison !
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