"Spring break bitches !"
Candy, Faith, Cotty et Brit sont quatre étudiantes qui rêvent de partir faire un spring break en Floride. Seul souci : elles n'ont pas un rond. Qu'à cela ne tienne, allons braquer un fast-food, les filles ! Ce qu'elles font avec succès pour ensuite partir, comme prévu, passer des vacances de rêve sur la plage, comme prévu, se retrouver en taule... ah, c'était pas prévu, ça. Ni la rencontre avec Alien, un rappeur-dealer-gangster à la fois sympathique et inquiétant qui les sort de cabane et les entraîne avec lui, aussi bien dans sa carrière criminelle que dans sa vie privée...
Sans connaître le réalisateur, au vu du casting, de la bande-annonce et du pitch, on était en droit de s'attendre à un teen movie grand public, peut-être pas mauvais mais en tout cas un peu bête et tout à fait inconséquent. Finalement, on nous offre un film d'auteur expérimental et déconcertant, aussi je ne peux m'empêcher de sourire en imaginant, face à cet OVNI, la réaction des pré-ados fans de Selena Gomez et de Vanessa Hudgens, impatient(e)s à l'idée de découvrir un "Projet X like". Non mes petits, vous avez pris la mauvaise route ! Ah la la, ils vont tomber de haut, les pauvres.
Mesdames et messieurs, voici l'équivalent cinématographique du LSD ! Qu'on se le dise immédiatement, le scénario de "Spring Breakers" tient sur un fragment de papier-cul. Certes il y a un message derrière cette débauche de sexe et de drogue : ce n'est pas en se livrant à tous les excès qu'on trouve un sens à la vie, et si l'on croit en trouver un, ça n'est qu'une illusion. Un message, oui, pour sûr, mais pas d'histoire consistante, celle-ci se résumant à une succession d'images de fête, de cul et de violence pour mieux illustrer le propos. Il y a bien une banale rivalité entre gangsters, ainsi qu'une espèce d'amourette glauque entre Alien et trois des filles, mais c'est tout. Rien d'autre. Et pourtant, c'est magnifique. Il se dégage de cette tragi-comédie trash une force incroyable, à la fois fascinante et repoussante, remplie d'émotions étranges, contradictoires, insaisissables et profondément dérangeantes. Comment expliquer un tel ressenti ? C'est simple : la mise en scène, ultra-stylisée, est l'oeuvre d'un génie. Harmony Korine manie sa caméra comme un poète manie sa plume ; à cela s'ajoutent une musique électro étourdissante, des plans hypnotiques, des filtres pop de toutes les couleurs, des ralentis psychédéliques, et bien sûr la voix-off de James Franco, traînante et répétitive ("Spring break... Spring break...")... autant d'éléments génialement conçus de manière à faire vivre au spectateur un trip sans équivalent dans ce qu'on a pu voir jusqu'alors au cinéma. On peut éventuellement citer "Enter the void" ainsi que certains films de Nicolas Winding Refn, mais c'est encore différent. Pourquoi ? Impossible à expliquer, il faut le voir pour comprendre. Côté distribution, on ne pouvait rêver mieux : les actrices, opérant toutes un virage plus ou moins radical dans leur carrière, sont crédibles à 100% et James Franco se voit affublé d'un rôle à la fois sombre et déjanté qui lui va à merveille.
Fun et drôle par moments, mais surtout tragique et désenchanté, ce conte moderne hors du temps, en dépit de quelques imperfections (longueurs, dialogues inégaux), enchantera les cinéphiles réceptifs à ce genre d'expériences sensorielles déroutantes... et donnera aux autres une profonde envie de dégueuler, ce qui est tout à fait compréhensible. A vous de juger !