On peut d'ores et déjà accorder à "Spring Breakers" qu'il sera le film qui fera le plus parler de lui ces prochaines semaines. Peut-être pas en bien, mais il fera parler de lui c'est une valeur sûre. Pour être totalement honnête c'est même difficile d'en faire une critique tellement il y a de choses à dire sur celui-ci. Car oui, il ne faut pas oublier que le film est écrit et réalisé par Harmony Korine, réalisateur connu pour ses films très "expérimentaux" (Trash Humpers est le meilleur exemple). Et si toute la promo qui a été faite autour de Spring Breakers pouvait paraître racoleuse, montrant un film du même niveau que les pires films pour ados que vend Hollywood, et bien il s'avère que Korine n'a en rien prostitué son style pour faire du chiffre, tout au contraire il a réussi à vendre son oeuvre, telle qu'il la voulait, avec une efficacité remarquable. Et premier point sur lequel le film se fait remarquer, c'est sur son côté visuel ultra travaillé. Chaque plan a une esthétique particulière, chaque lumière est utilisée de façon précise pour donner au film cette ambiance très colorée, très vive, tout d'abord accueillante et chaleureuse, mais qui finit par rapidement devenir malsaine et oppressante au fur et à mesure que le film s'enfonce dans sa noirceur. Et dans la première partie du film, celle qui est donc dédiée au Spring Break, on retrouve bon nombre de références Pop, dont la plus évidente reste celle des émissions MTV dont l'esthétique et le style musical en sont clairement inspirés, mais dont le contenu se moque en les critiquant ouvertement (hommage ou satyre, c'est à vous de voir) , en montrant une vraie débauche sexuelle (d'ailleurs filmée comme un clip vidéo). En plus de cela, Korine offre au spectateur grâce au travail sur l'image et le son, de vivre la même expérience que les filles, au travers d'un montage complètement fou, qu'on pourrait presque qualifier de "drogué", puisqu'il n'use d'aucune chronologie et balance des images par flashs, comme les flashs qui vous reviennent le lendemain d'une bonne grosse cuite. Le son, et la musique, jouent également un rôle très important puisqu'on se retrouve avec beaucoup de boucles sonores (et c'est d'ailleurs une soundtrack du tonnerre que nous livrent Skrillex et Cliff Martinez) qui mélangées aux images, semblent composer une chanson. On retrouve des couplets, soit les quelques passages du film qui comportent des dialogues et font "avancer" l'histoire, et les refrains qui remontrent ces dits "flashs" à de nombreuses reprises. Spring Breakers essaie vraiment de venir titiller chacun de vos sens, de toutes les manières possibles, afin de devenir une vraie expérience de cinéma. Et si pour l'instant seul le côté visuel et sonore a été évoqué, il ne faut pas oublier le fond de l'histoire, qui paraît simple, voir peut-être très simple, mais qui, lorsqu'on s'y attarde un peu, est bien plus profond que ce qu'il laisse croire et offre de multiples lectures possibles: on peut soit dire qu'il surfe sur le néant et la superficialité de la culture pop, soit qu'il met en scène une descente aux enfers caractérisée et rythmée par les caractères des quatre filles qui jouent un rôle majeur sur le déroulement de l'histoire et sur sa réelle signification. Et puisqu'on parle des quatre filles, parlons donc des actrices qui les interprètent. Korine n'aurait pas pu faire de meilleurs choix en prenant des filles comme Selena Gomez ou Vanessa Hudgens, égéries de la culture pop, qui viennent ici complètement briser, brûler et enterrer leur image de petites filles sages en se lâchant, et en venant habiter leurs personnages avec une folie vraiment effrayante (notamment sur la fin du film). Et bien que ce soient celles qui apparaissent le moins dans le film, les deux filles à retenir sont Selena Gomez et Rachel Korine qui sont les plus sincères, les plus justes, et les plus touchantes dans leur jeu, bien que Benson et Hudgens soient elles aussi excellentes. Très peu d'écriture de personnages, très peu de dialogues, mais il se dégage un naturel plus que convaincant de leurs interprétations, souvent improvisées, qui donnent donc de la force à chacune de leur personnalité. Et enfin, il faut bien sûr parler de James Franco qui campe sans doutes un de ses meilleurs rôles, et dont la transformation est juste impressionnante, car au delà du physique il a développé une manière de parler bien spécifique qui définit tout son personnage (mais par pitié, par respect pour lui, pour son travail, pour Harmony Korine, pour le cinéma en général, pour le bon goût et surtout pour la crédibilité: allez voir le film en VOSTFR, car la VF est un véritable massacre innommable). Et dans un dernier paragraphe il faut bien sûr évoquer le travail de Harmony Korine, qui reste complètement fidèle à lui-même. Il offre avec Spring Breakers un film avec un fond philosophique évident, et qui en plus d'être visuellement claquant et très poétique (mention spéciale à la séquence sur "Everytime" de Britney Spears: drôle, improbable, folle, magnifique, culte. Ou même encore de la façon dont sont filmés les corps) montre une mise en scène absolument remarquable, regorgeant d'idées (la séquence du braquage et la séquence finale, deux petits bijoux) réalisées avec presque un certain génie. On parle bien de cinéma quand on parle de Spring Breakers, et c'est quelque chose qui devrait ravir le coeur de tous les cinéphiles qui se jetteront sur cette oeuvre sublime, qui tire sa beauté de la laideur de ce qu'elle montre avec une efficacité à laquelle on assiste malheureusement pas assez souvent. En conclusion: Spring Breakers est pour l'instant LA plus grosse surprise de ce début d'année, un vrai petit bijou de cinéma qui dans quelques années acquerra avec énormément de mérite son statut de film culte. En plus d'être un plaisir visuel rare, le film est une véritable expérience à aller vivre dans les salles de cinéma (et encore une fois il faut le répéter: en VOSTFR!). Harmony Korine, accompagné de quatre filles sublimes et talentueuses lorsqu'elles sont bien dirigées, et d'un James Franco complètement fou, signe un chef d'oeuvre complètement inattendu. Plus qu'un coup de coeur, une révélation.