Cinq ans après Kick-Ass, sa dernière réalisation toute aussi déjantée, le cinéaste britannique Matthew Vaughn livre une comédie d'espionnage influencée par James Bond et son flegme typiquement anglais.
Après le refus de réaliser X-Men : Days of Future Past, dont il avait néanmoins fait naître sur les écrans le volet précédent, Matthew Vaughn annonce en septembre 2012 son nouveau projet : l'adaptation cinématographique des comics The Secret Service, publiés depuis avril dans leur pays d'origine et scénarisés par Mark Millar. Et ce n'est pas la première fois que Vaughn s'attèle à revisiter l'oeuvre de Millar, puisque Kick-Ass est également l'une des productions de ce dernier.
L'influence du plus célèbre espion britannique est évidente dans l'histoire de l'organisation Kingsman, une agence d'espionnage privée dont le quartier général est dissimulé par une boutique de tailleur londonienne. Quant aux cascades, elles ne sont pas sans rappeler Kick-Ass.
Pour étoffer sa distribution, Matthew Vaughn avait envisagé de confier le premier rôle à Aaron Taylor-Johnson, révélé justement grâce à Kick-Ass. Mais c'est Taron Egerton qui l'obtient, dont on a pu voir le premier passage au grand écran en 2014, dans Mémoires de jeunesse, après sa participation mineure à deux séries télévisées. Pour cette interprétation au premier plan, Egerton se glisse dans la peau d'Eggsy, jeune banlieusard londonien sans avenir et sapé par un contexte familial douloureux. A ses côtés, Colin Firth, consacré par plusieurs récompenses suite à sa prestation exceptionnelle prestation dans Le Discours d'un roi, est choisi pour incarner l'agent Galahad, mentor qui donnera un sens à la vie d'Eggsy et lui permettra d'honorer la mémoire de son père, ancien agent Kingsman tué plusieurs années plus tôt au cours d'une mission au Moyen-Orient. Après avoir intégré l'agence d'espionnage de prestige, Eggsy peut également compter sur le soutien de l'agent Merlin, interprété par le stoïque et imperturbable Mark Strong. Plus habitué à jouer des rôles de méchants, sa présence bienveillante pour le jeune espion novice peut surprendre mais reste agréable, et permet de découvrir cet acteur talentueux dans un nouveau répertoire. Cette fois, le rôle du principal antagoniste est confié à une légende du septième art : Samuel L. Jackson. Notons également le bonheur intact de retrouver le fameux Michael Caine, et la surprise incarnée par Sofia Boutella, qui se révèle aux yeux du grand public dans le rôle d'un garde-corps redoutable.
Dotée d'un budget de production de 80 millions de dollars, cette comédie d'espionnage remporte un franc succès dans les salles. En France, 1,6 millions de personnes se sont déplacées pour découvrir les aventures des Kingsmen, et au niveau mondial, le long-métrage engrange un joli pactole de 400 millions de dollars de recettes. Toutefois, en dépit de ce succès populaire, Matthew Vaughn fait plusieurs choix de réalisations que l'on peut critiquer.
Dans sa volonté de rendre hommage à James Bond et au flegme britannique, cette fiction n'évite pas les clichés et les séquences « m'as-tu-vu ». Tous ces costards impeccables, ces coiffures parfaites et ses allures irréprochables nous font frôler l'overdose, à moins que l'on ne soit un patriote et fier citoyen britannique. Même les pseudonymes des agents rendre hommage à la culture anglo-saxonne, avec des références directes au mythe arthurien. A trop vouloir honorer le style anglais, l'accumulation de clichés suscitent l'indigestion.
Kingsman se rapproche bien plus de la comédie pour adolescents, avec une amourette ridicule et un humour grossier peu nécessaire, dont l'aboutissement s'incarne dans une scène finale ne laissant aucun doute sur la concrétisation d'un acte sexuel évoqué quelques minutes plus tôt, à condition de sauver le monde. Quel humour... Bien que certains mouvements dynamiques de caméra durant des scènes de cascades sont une technique divertissante à laquelle nous sommes peu habitués, Kingsman se marque également par une certaine violence, entre les attaques tranchantes de Sofia Boutella et les séquences de bagarres générales, qui s'écartent du genre comique auquel il est affilié mais qui ont la qualité de surprendre le spectateur.
Sur fond de méfiance envers les nouvelles technologies et de défense de l'environnement, les démêlés de l'agence Kingsman frôlent le mauvais goût et le happy-end est largement prévisible. Malgré quelques tentatives de renverser les codes du genre, notamment à travers un méchant dont le zézaiement et la peur du sang rendent presque inoffensif, cette comédie étale abusivement sa fierté britannique et perd un public insensible à l'humour cru. La nature comique du film sape toute intensité dramatique et rend ridicule chaque tentative du film de se prendre au sérieux.