Matthew Vaughn est un génie… ou, à tout le moins le réalisateurs le plus fun de ces dix derniers années et, incontestablement, le seul qui parvienne à allier, avec une telle habilité, le divertissement pur, l’humour décalé et le drame. Mieux encore, le réalisateur s’est pris de passion pour les comics (il a signé "Kick-Ass" et "X-Men : Le commencement", soit deux petits bijoux du genre) et s’est amouraché de Mark Millar, le meilleur auteur de comics du moment, avec qui il co-signe ses scénarios. Et, pour leur troisième collaboration, Vaughn et Millar signent une petite merveille, hautement jouissive qui s’impose, d’ores et déjà, comme un des meilleurs films de l’année ! Adaptation d’un comics méconnu (à tort), "Kingsman" est, avant toute chose, un vibrant hommage aux James Bond d’antan, référence dont ne se cachent pas les auteurs puisque, outre la classe so british des héros, le méchant mégalo caché dans un repaire gigantesque, sa complice affublée d’une particularité physique, les gadgets incroyables qui feraient pâlir Q ou encore une séquence finale avec femme offerte au sauveur, on a droit à un formidable dialogue évoquant les vieux James Bond. Et c’est vrai qu’on retrouve la classe old school de cette époque révolue dans "Kingsman", où les codes désuets paraissent plus hype que jamais, transformant, ainsi, une caillera à casquette des quartiers pauvres de Londres en gentleman à costume sur mesure. Le relooking du jeune Eggsy est, à ce titre, un passage obligé que le réalisateur transcende en véritable profession de foi. On sent bien que Vaughn aime son pays et sa culture… et ça fait un bien fou ! Pour autant, le film ne tombe pas dans le piège de la caricature et parvient même à désamorcer tous les pièges inhérents au genre ! Ainsi, le scénario s’avère étonnement riche en rebondissements inattendus (voire bouleversants) et refuse de se prendre au sérieux, grâce à un savant mélange d’humour (on rit très souvent) et d’action décomplexée, qui permet de tout faire passer (y compris des gadgets trop high-tech ou des SFX parfois imparfaits). On se surprend, d’ailleurs, à ne pas être gêné par la structure du récit, pourtant assez classique (recrutement / formation / mission), tant Vaughn insuffle un rythme phénoménal à l’intrigue et un second degré salvateur, ponctué de séquences plus dures qui viennent dramatiser les enjeux. Le casting est une autre incroyable réussite du film. Qui aurait cru que Colin Firth pouvait se battre avec autant de crédibilité et même s’offrir une séquence de baston invraisemblablement jouissive appelée à devenir culte ? Comment imaginer que le jeune Taron Egerton évite le piège de l’ado tête à claque en conférant à son personnage une densité dramatique aussi forte (voir son histoire familiale) ? Quant au reste du casting, il cumule les bonnes surprises, de Samuel L. Jackson qui parvient encore à nous épater en clone zozottant de Spike Lee à Mark Strong dans un rôle de gentil (ce qui est rare dans sa filmo), en passant par Michael Caine en boss paternaliste et quelques caméos inattendus (Jack Davenport, et, surtout, Mark Hamill !). Seul (tout) petit bémol : la BO de Henry Jackman qui est loin d’être déshonorante mais qui est bien trop proche de celle de "X-Men : Le commencement". Pour le reste, "Kingsman" est, donc, une exceptionnelle réussite qui revisite l’univers des espions britanniques, avec un ton que les James Bond, époque Daniel Craig, ont abandonné depuis plusieurs années… et qui confirme que Matthew Vaughn est, avec Christopher Nolan et Danny Boyle, un des meilleurs réalisateurs actuels. On en viendrait même à espérer que, contrairement à "Kick-ass" et à "X-Men", il accepte de signer une suite…