Du lard ou du cochon ? Qu’il y ait eu rencontre entre Elvis et Nixon, aucun doute, des clichés sont là pour l’attester ; rencontre qualifiée d’improbable, ce devait l’être pour l’époque car de nos jours, Obama/Beyonce, Macron/Rihanna passent pour ordinaires. Par « improbable » je dois entendre un rendez-vous qui se voulait secret et précipité. Et surtout ce qui paraît plus improbable c’est la requête d’Elvis Presley : agent fédéral infiltré pour lutter contre le trafic de drogue et accessoirement infiltrer la nouvelle génération du Rock comme les Black Panther et autres Rolling Stones suspectés de communisme ! De quoi je me mêle me suis-je pensé ?! Etait-ce vraiment sa motivation ? C’est là où je suis un peu perplexe : la teneur de son entretien serait-elle un fantasme de Liza Johnson ? En fouillant de ci de là des articles, je lis que deux des vrais protagonistes Egil Krogh, un des conseillers de Nixon et Jerry Schilling, l’ami d’Elvis, étaient présents sur le tournage. Cela signifie-t-il pour autant qu’ils accréditaient la teneur de l’entretien ou tout simplement la rencontre dans le bureau Oval ? Lard ou cochon ? Apparemment Elvis a eu ce qu’il voulait : son badge fédéral… à titre honorifique. Après tout, ce type a eu des badges locaux, il visait plus haut. C’était son dada, son hobby ! Pourquoi pas. Là encore, n’a-t-on pas vu des maires remettre « Les Clés de la Ville » à des célébrités pour signifier qu’ils sont chez eux, et citoyen d’honneur ? C’est honorifique. Mais là, je dois avouer que je suis tombé des nues. Un badge fédéral ce n’est pas à prendre à la légère. Un quidam ou même une célébrité qui arborerait une distinction militaire ou un symbole des Hautes Institutions de la République sans justification pourrait être mis à l’amende. La revendiquer tout simplement au nom de je ne sais quel patriotisme en bavant sur ses semblables comme Elvis l’a fait sur les Beatles, les Rolling Stones, ne serait pas un bon argument. C’est là où je tombe des nues ! Elvis Presley révèle une facette de son personnage qui frise la douce démence ou une débilité d’esprit ! Après tout, voilà un type qui appréciait les armes à feu, l’Amérique profonde l’estimait, il n’y avait rien d’étonnant à sa revendication puisqu’il incarnait cette Amérique profonde ! Mais quand même on peut légitimement être surpris. Et d’autant plus surpris qu'il s’entretien avec Nixon avec une arme dissimulée à une de ses chevilles ! Si là aussi, c’est vrai, la sécurité du président laissait vraiment à désirer. Autre point qui m’a laissé perplexe : l’identité même du chanteur. Il m’a paru léger qu’on ne fasse pas plus preuve de rigueur quant à son identité. Cela aurait pu être un de ses nombreux sosies. D’aucuns me diront que toute l’Amérique connaissait parfaitement le visage d’Elvis Presley. Les sosies de Johnny Hallyday se voient grossièrement. C’est vrai. Mais tout de même : la démarche de l’artiste de se présenter à l’accueil avec un brouillon à la main aurait mérité plus de vérifications. Cela s’apparente à un type douteusement dérangé. La sécurité aurait pu envoyer un de ses conseillers à l’hôtel où reposait The King pour à la fois confirmer les propos de celui-ci, son identité et parler du protocole. Rien. C’était vraiment une autre époque ! Voilà pourquoi selon moi, je qualifie cette rencontre précipitée, de vraiment improbable, voire surréaliste. Elle a eu lieu et Elvis a été récompensé. Michael Shannon n’a pas vraiment les traits d’Elvis mais son interprétation est assez délicieuse. Il est inutile de se focaliser sur le physique en lui-même. Au théâtre, les comédiens qui interprètent des personnalités n’ont pas pour obsession la ressemblance. On y croit grâce au texte et à l’interprétation. Ici, j’y ai cru. Comme j’ai cru en l’interprétation de Kevin Spacey qui cabotine certainement plus que Michael Shannon. Ca lui fait tellement plaisir d’être président ! On reproche aussi au film sa lenteur. Au contraire, elle me paraît indispensable pour installer et la psychologie inattendue d’Elvis Presley et la fameuse attente du rendez-vous. Se fera-t-elle ou pas ? Cette montée d’escalier était bien vue. Moi aussi, je m’interrogeais : l’entretien aura-t-il lieu ? Je m’en doutais évidemment, mais j’ignorais qu’elle aurait eu bien lieu le jour même. Pour moi, cette attente était un des enjeux du film. La première étape qui conduit à l’entretien pour lequel j’étais aussi impatient qu’Elvis. En cela le film traduit bien cette attente et cette soi-disant longueur me paraissait bienvenue. Enfin, quant à l’entretien, il fut étonnant dans ses dialogues et dans le comportement des deux protagonistes : Nixon et The King. J’ai souri à plus d’une reprise tant j’étais interloqué par le comportement de Nixon sous les traits amusés de Spacey. Film à la fois instructif, plaisant et incroyable. Comme le dit l’affiche : « Une histoire vraie que vous aurez du mal à croire. » A voir évidemment en V.O.