Chaque début d'année est propice aux films académiques calibrés pour les Oscars et généralement cela se résume par des biopics pompeux et calibré même si l'année dernière le cru était moins bourratif sur ce plan, et qualitativement 12 Years A Slave et Dallas Buyers Club envoyaient du lourd. Cette année, mis à part Foxcatcher qui sortait du lot, les fulgurances sont inexistantes et l'académisme est de rigueur et trop d'académisme tue l'académisme. C'est un peu ce que j'ai ressenti devant ce nouveau biopic, et encore un et je commence un peu à m'en lasser surtout qu'ils reproduisent tous le même cahier des charges bien calibré pour plaire le plus possible à l'Academy. Ces biopics au fil des ans devient aussi insignifiants et aussi peu originaux que les films de super-héros annuel mais comme ces derniers, ils ne sont pas encore totalement mauvais, on pourrait même dire qu'il reste relativement sympathique malgré le ras-le-bol qui commence à s'installer. Tout d'abord ici l'entreprise est relativement louable car elle sert avant tout de devoir de mémoire, et surtout elle nous conte une histoire qui n'est pas nécessairement connu de tous sur un héros de l'ombre. Mais en même temps on sent l'entreprise un peu cynique qui se cache derrière car le film est aussi et avant tout une machine à Oscars, d'ailleurs ça tombe bien car de machines il en sera question dans le film. Pour l'écriture on passera l'éponge sur les quelques inexactitudes sur la véritable histoire de Turing car comme tout biopic il romance et change quelques peu certains événements pour l'aspect purement dramaturgique du film, pour que cela soit plus captivant et efficace. Mais malheureusement c'est les changements fait dans le comportement du personnage qui me gène le plus surtout qu'ils sont en liens direct avec l'acteur principal, car oui dans ce film Alan Turing est Sherlock Holmes. Dans son caractère antisocial, dans ses reproches désagréables, dans son arrogance, dans son génie et son style de vie ( la maison de Turing est aussi bordélique que l'appartement de Sherlock avec tous leurs expériences ) tout nous rappelle le Sherlock composé par Cumberbatch. Ce qui devient assez irritable car le film montre clairement son intention de surfer sur le succès de l'acteur et de la série, ce qui est dommage car le film aurait eu bien plus à offrir. L'écriture sera donc très légère, misant tous sur son acteur principal elle passera à coté de thèmes très intéressant comme les prémisses de l'intelligence artificielle car le film passe presque sous silence tous les questionnements de Turing sur ce sujet et le tout se résumera à une ou deux répliques et questions qui resteront au final sans réponse car comme le dit un des personnages, il et le film s'abstiennent de tous jugement. Il manque donc un véritable point de vue à l'ensemble qui reste incroyablement léger sur tous les sujets qu'il abordent comme l'homosexualité, la différence, la place du geek dans la société car c'est au final l'histoire d'un des premiers geek de l'histoire qui prouvent que ceux-ci peuvent être des héros de cinéma passionnants encore faut-il qu'ils aient des films à leurs hauteurs. Car ici il n'y a pas de fond, le film se contente juste de ficelé une histoire pas inintéressante mais ce contente juste de la survoler même si une certaine complexité apparaît en deuxième partie de film et que celle-ci ce révélera être bienvenue dans ce qu'elle apporte, elle relance l'intérêt du spectateur, elle donne un aspect captivant au récit et elle met sur la table des thèmes comme les manipulations gouvernementales, les secrets d'états et des questionnements d'ordre moral. Aussi passionnant puissent être ces thèmes il ne sont que survolés eux aussi, ils ne prennent qu'une scène par thématiques puis on les met de coté, comme les questionnements de qui doit vivre et qui doit mourir qui sont expédiés sans qu'on se penche sur les retombés psychologiques que cela peut avoir sur les personnages. D'ailleurs cette scène aurait pu être encore meilleure si elle n'était pas aussi téléphoné, le rebondissement qui se passe au sein de celle-ci n'est là que pour faire encore plus larmoyant et ça enlève toute crédibilité et impact à la scène. Donc l'écriture manque relativement de soin entre les errances habituelles des biopics, voix-off, narration fragmentée pour maintenir l'intérêt et cacher la linéarité du récit et etc, le manque de développement des personnages et de leurs relations car à part Turing les autres on s'en désintéresse complètement ainsi que l'absence de fond qui fait que l'on suit ça comme un divertissement sans grandes importances alors qu'on devrait le suivre comme un film historique fort qui a des choses à nous faire passer. Heureusement le film arrive plutôt à éviter le pathos, mis à part deux scènes, et se suit sans déplaisir, même si on n'est pas impliqué à 100% on reste captiver par le film. Le casting est tout bonnement très bon, Benedict Cumberbatch, même si il rejoue un peu la partition Sherlock Holmes, arrive à apporté suffisamment de nuances à son jeu pour s'éloigner de celui-ci et il se montre assez impressionnant par sa sobriété et par la façon dont il retranscrit la confusion émotionnelle de son personnage par son regard et ses gestes. Néanmoins je doute de son succès pour les Oscars n'étant pas assez impressionnant pour cela à mon avis. Sinon les rôles secondaires ne sont pas en reste Mark Srong et Charles Dance reste dans leur registres mais ils le font à la perfection, Matthew Goode est très juste tandis que Keira Knightley est vraiment excellente même si ce n'est pas la performance du siècle et que je doute aussi de son succès aux Oscars, elle apporte une certaine fraîcheur par la justesse de son jeu et son charme indéniable. Pour la réalisation on ne peut pas faire plus générique, que ce soit la photographie, le montage ou la musique, tout est bon mais tout est sans génie, on oublie finalement assez vite cette aspect du film sauf peut être la musique qui comporte du très bon mais aussi du très académique et pompeux. Pour la mise en scène de Morten Tyldum, dont c'est le premier film que je vois, elle est très fonctionnelle. C'est du travail propre et maîtrisé mais il ne se contente que d'accompagner le récit et de filmer les personnages, on ne peut clairement pas faire moins dans le genre, elle ne prend aucun risque et fait le strict nécessaire ni plus ni moins même si parfois elle tombe dans certaines tares des biopics comme le final qui fait un peu trop dans le pathos notamment avec l'habituelle scène des écriteaux. De ce côté là non plus je ne le vois pas gagner les Oscars d'ailleurs je ne comprends pas toute les nominations qu'il a pu avoir car sans être honteux, il n'en est à mon avis pas digne et ça ne m'étonnerais pas de le voir repartir les mains vides. En conclusion The Imitation Game est un film sympathique, dans la mesure ou il se laisse suivre agréablement et qu'il est correctement fait. C'est du travail sans génie et sans fond mais ça fait son travail de mémoire et ça met en lumière une histoire resté trop longtemps dans l'ombre, de plus l'ensemble est porté par d'excellents acteurs. Néanmoins c'est plus un divertissement de qualité qu'un vrai film historique qui est censé nous remuer et nous apporter des questionnements et en ça on ne peut s'empêcher de ce dire que Alan Turing aurait mérité mieux.