Dimanche 22 février 2015, Los Angeles. Le verdict est tombé, l'impensable vient de se produire, les frères Weinstein sont en PLS, The Imitation Game n'a pas décroché l'oscar du meilleur film. Mais qu'est-ce qui a bien pu manquer dans la recette de la soupe à l'oscar pour ne pas remporter la précieuse statuette, celle dont les studios américains raffolent? Pourtant tout y était, et ils ont même mis le paquet. La fameuse phrase "tiré d'une histoire vraie" au début, un acteur principal dont on dira "wah il joue trop bien" sans trop de raisons particulières, la défense d'une cause juste (ici la dénonciation de la persécution des homosexuels il y a 70 ans), des violons. Tous les ingrédients étaient réunis mais, cette année, l'académie des oscars a décidé de ne pas récompenser la facilité.
Soyons clairs dès le début, je n'ai pas détesté The Imitation Game bien que ce soit le genre de films qui, sur le papier, me gonfle déjà. Mais je ne peux que déplorer le fait que ce film rejoigne la grande majorité des biopics et ne cherche pas à avoir plus d'ambition que de te réciter une leçon d'histoire pour décrocher un oscar. On tient alors un film didactique au possible. Mais comme j'ignorais presque tout sur Turing et son apport aux alliés durant la guerre, on va dire que j'ai plutôt apprécié le cours. Mais même quand je vais voir un cours au cinéma, je m'attends à ce qu'il y ait justement un minimum de cinéma.
The Imitation Game est hélas purement calibré du début à la fin et ne s'écarte jamais des sentiers battus et archi battus du biopic. Pourtant parfois tu peux assister à des biographies de qualité, je pense notamment à The Social Network sorti récemment. Ou encore Saint Laurent tiens, film qui fourmillait d'idées visuelles et qui n'hésitait pas à prendre des libertés vis-à-vis de la réalité. Mais là c'est juste plat. Intéressant, mais plat. Il n'y a pas une scène que tu retiendras en particulier car le travail de réalisation est purement fonctionnel. De ce fait, je vois mal comment le spectateur peut être impliqué émotionnellement dans ce récit.
Le film s'attarde beaucoup plus sur la vie d'Alan Turing que sur son travail qui a visiblement été un élément essentiel dans la victoire finale des alliés. Le problème c'est que le personnage n'est pas forcément ce qu'il y a de plus intéressant. Et les personnages secondaires ne sont pas fascinants non plus. Centrer les enjeux du film sur la destinée des personnages aurait pu être une bonne chose, mais si la base est aussi faible c'est forcément peu palpitant. Et puis on parle quand même de la création d'une machine qui a réussi à percer le mystère du codage nazi et permis de prendre un avantage stratégique sur l'adversaire durant la guerre la plus meurtrière de tous les temps. Alors pourquoi diable ne s'attarde-t-on pas plus sur la fameuse machine que Turing a inventé?
Mais non, le film reste tout gentillet et met juste son histoire en images sans entrer dans le détail. Abreuver le spectateur de détails scientifiques n'aurait pas été la solution la plus pertinente pour l'accrocher, je le conçois bien. Mais bon, tu sors du film et tu ne sais toujours pas comment la machine a fonctionné pour déchiffrer les codes. C'est quand même un peu frustrant de survoler autant le fonctionnement technique de la machine. Je voulais tout savoir moi ! On touche alors au plus gros problème de ce film. Que ce soit sur la fameuse machine ou sur les personnages, il reste continuellement en surface.
Après je dirais que le film n'est vraiment pas désagréable dans son ensemble. Je l'ai même trouvé étonnamment digeste et peu ennuyeux malgré tout le calibrage qui me fait bâiller en temps normal. Peut-être est-ce dû à un Benedict Cumberbatch qui interprète son rôle tout en sobriété (donc pas de surjeu en mode "I want my fucking award"), à une réalisation fade mais proprette (hormis ces plans immondes sur les avions et les bateaux), à un scénario si bien huilé et calculé qu'il en devient finalement plutôt prenant. Mais bon, derrière t'as quand même les éternels défauts des biopics lambda, et pas des moindres.
La fin du film par contre est assez détestable. On te rebalance les phrases explicatives qui dénoncent des choses qui se sont déroulées il y a 70 ans. La statistique sur les homosexuels persécutés en Angleterre qui intervient à la fin est d'ailleurs à la limite du hors-sujet. Je n'aime pas ce genre de procédés destinés à faire chialer sous les chaumières et à choquer sur ce qu'il s'est passé il y a des décennies. Quand tu veux choquer, autant le faire sur un sujet d'actualité, un truc plus brûlant, qui poserait les bonnes questions. Car là bon... Ça fait une paire d'années que des personnes ne sont plus condamnées pour homosexualité en Europe à ce que je sache. Je ne vois pas trop l'intérêt de ressasser ça.
The Imitation Game n'est donc ni plus ni moins qu'un énième film conventionnel taillé pour obtenir l'adhésion d'un large public qui, dans sa grande majorité, découvrira quelque chose et croira assister à quelque chose d'intelligent. Mais voilà, il y a des jours où ça ne passe pas au niveau des récompenses et heureusement. La machine de Turing était beaucoup mieux élaborée que la machine à oscars des Weinstein qui a bien rouillé pour le coup. Il va falloir revoir votre stratégie les gars pour l'année prochaine. Un film très moyen dont on ne retiendra que l'histoire et non pas ses qualités cinématographiques.