/!\ Spoilers /!\ Quelques minutes avant le début du « Hold-Up », un des apprentis cambrioleurs fait remarquer à ses petits camarades que les vrais braquages ne se passent pas comme dans les films, citant le « Heat » de Michael Mann pour preuve. Que le réalisateur norvégien explicite si clairement sa démarche dans un dialogue d'un de ses personnages est au mieux inutile, au pire un peu prétentieux, mais il est néanmoins nécessaire de garder à l'esprit que le cinéma et la télévision sont effectivement bien obligés d'enjoliver plus ou moins la réalité pour faire rêver. Pour que l'ensemble demeure réaliste et crédible, on peut y apposer une vague expérience de terrain (l'argument de vente préféré d'Olivier Marchal), ou, comme Erik Skjoldbjaerg, tenter de désacraliser le braquage de banque ; tout en prenant soin de bien souligner l'aspect « histoire vraie » de son film.
Dans « Hold-Up », les malfaiteurs mettent dix minutes pour casser une vitre, ont du mal à mettre le feu à un camion, ne parviennent pas à garder leurs otages, lancent approximativement leurs sacs remplis de billets de banque et hésitent en permanence sur la conduite à adopter. De leur côté, les flics sont totalement dépassés : ils se retrouvent à deux contre une quinzaine de braqueurs tandis que leurs collègues sont coincés au commissariat par une voiture en feu, et n'arrivent pas à sécuriser les alentours du braquage. Les badauds passent au milieu des échanges de tirs, sans se rendre véritablement compte de ce qui se passe ; au même moment, il est demandé à un chauffeur de bus (dont le trajet commence depuis le lieu de la fusillade) d'aller voir sur place et de demander à un policier s'il peut circuler. Sans le sérieux de plomb observé par Skjoldbjaerg (toujours soucieux de montrer « comment ça s'est vraiment passé »), « Hold-Up » aurait pu être une comédie tellement l'incompétence semble être générale dans cette affaire. Le cinéaste norvégien s'évertue donc d'être objectif et exhaustif, se basant sur les déclarations des témoins et des braqueurs. Avec un début de film franchement ennuyeux et un braquage dénué de spectaculaire (malgré le dispositif important déployé par les malfaiteurs), Skjoldbjaerg soulève une réflexion intéressante : le public contemporain ne connaissant des braquages que ce qu'il a pu en voir au cinéma et à la télévision (aussi bien dans des fictions qu'aux informations), il trouve ici étrange et anormal le déroulement des évènements. Il n'y a ici ni héros ni morceau de bravoure (voir le chauffeur de bus prier une passante de faire demi-tour... alors que tout est déjà fini). Il s'agit juste d'un braquage tristement ordinaire, et c'est ce que le spectateur n'a jamais vu sur un écran.
S'il n'y a pas de raison de douter du réalisme factuel de « Hold-Up », on peut en revanche s'interroger sur la légitimité des moyens employés. Tout comme les films contre lesquels il se bâtit, la fiction de Skjoldbjaerg ne demeure bel et bien qu'une fiction : le réalisateur scandinave, tout comme un Michael Mann ou un Olivier Marchal, fait des choix de mise en scène, et ce qu'il filme ne pourra jamais être la réalité. Malgré cet obstacle insurmontable et commun à tous les cinéastes, Skjoldbjaerg accumule les mauvais choix, à commencer par l'horripilante utilisation d'une caméra à l'épaule tremblotante et imprécise. Alors que le film se veut le plus objectif et le plus réaliste possible, la présence d'un caméraman au milieu des acteurs et de l'action saute constamment aux yeux et ne fait que donner l'illusion d'un aspect pseudo-documentaire. A cette fâcheuse tendance rarement justifiée s'ajoute l'incompréhensible recours à des ralentis quasi-lyriques et l'existence dommageable d'une bande originale. A ce sujet, on se rappellera l'explication donnée par Xavier Beauvois à l'absence de musique dans « Le Petit Lieutenant » : « [Quand] je marche dans la rue, je n'ai pas un quatuor à cordes qui me colle aux basques ». De la même façon, on imagine mal la présence d'un musicien sur les lieux du crime lors du véritable braquage survenu en 2004 : assez gênant quand on cherche tant à faire un film « réaliste ». L'idée de départ était certes intéressante mais s'avère gâchée par des mauvais choix et la certitude de son auteur de bien faire. « Hold-Up » se révèle alors être un film intelligement écrit mais pauvrement réalisé.