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Un visiteur
4,0
Publiée le 28 juin 2014
Pour contrebalancer un peu les critiques à mon avis injustifiées de certains internautes : le film n'est pas plus caricatural ni kitsch que la très grande majorité des films qui sortaient à l'époque, y compris en France ou aux Etats-Unis. N'oublions pas que le message devait passer sans paroles et sans musique attitrée (les musiciens, quand il y en avait, jouaient souvent n'importe quoi) ! C'est un film qui contient de belles scènes, et qui a le mérite de nous montrer la Mongolie de l'époque dans sa vie quotidienne (la scène d'ouverture par exemple). J'ai visionné pas mal de films muets ces derniers temps et celui-ci est un des meilleurs, par son montage et par l'intérêt du scénario.
Il est évident que cette oeuvre du réalisateur de "La Mère" et de "La Fin de Saint-Petersbourg" répond aux critères obligés du cinéma soviètique avec sa critique des capitalistes, en opposant des archétypes très archétypaux communistes, c'est-à-dire forcément bon et courageux, face à des caricatures très caricaturales d'occidentaux, ainsi qu'avec son regard très sarcastique sur la religion, ici bouddhiste. Mais ce n'est pas du tout pour cela que "Tempête sur l'Asie" n'est pas une réussite. C'est plutôt parce que le cinéaste se montre confus dans la mise en scène de beaucoup de séquences quand il ne les étire pas inutilement en longueur ; ce qui a pour résultat évidemment que l'ensemble apparaît long et confus. Et ce qui fait que cette oeuvre ne peut s'apprécier que sur quelques moments : sur ceux qui filment les paysages mongols et qui sont ethnographiquement superbes, sur le montage réussi de certaines scènes à l'instar de celle de l'aquarium ou du final, ou sur une étonnante pour un film russe de cette époque qui sort totalement de tout schéma manichéen avec un soldat anglais chargé d'exécuter le personnage principal mais qui s'attèle à sa tâche avec un dégoût non dissimulé.
Œuvre de propagande qui exalte la lutte anti-impérialiste et pro-soviétique mongole, au tout début des années 20, contre l’occupant britannique. Ça a les défauts inhérents au genre : manichéisme, grandiloquence dans certaines scènes, symbolisme parfois bien appuyé… mais le film a aussi un scénario intelligent, habile dans les limites de l’idéologie imposée et le montage alterné n‘est pas inintéressant. Les scènes militaires et de nature, sans avoir le génie de celles des films d’Eisenstein, sont impressionnantes. Le mieux est le souci de la vérité ethnologique : la séquence de la cérémonie bouddhique de la réincarnation du grand Lama est magnifique et étonnante. A elle seule elle justifie la vision du film.
S'il y a bien une chose que l'on ne pourra pas retirer au système Soviétique (et là, je pense que la très grande majorité des gens me suivront), c'est la qualité (d'un point de vue global) de sa propagande. Dans le domaine cinématographique, le règne Stalinien a vu exister de nombreux cinéastes certes soumis aux règles très strictes du réalisme socialiste, mais qui sont parvenus à complètement transcender les commandes ordonnées au départ grâce à leur talent purement artistique, inspirant aujourd'hui encore des milliers d'élèves assidus en école de cinéma. Poudovkine fait donc partie de ceux que l'on cite régulièrement dans les essais abordant l'étape du montage et a nourri les théories de bon nombre de techniciens. Huit décennies après la sortie de "Tempête sur l'Asie", le regard que l'on peut porter sur cette oeuvre est tout d'abord celui d'un film d'un autre temps, qui n'a dans un premier temps rien à nous apporter sur le fond. La caricature extrême des méchants capitalistes risque d'en faire esclaffer plus d'un, tout comme le ridicule de certaines scènes kitsch à un point que vous n'imaginez pas (dans la symbolique notamment). Mais passons... Car le souci de ce long-métrage, à l'inverse des réalisations d'Eisenstein par exemple, c'est qu'il ne possède aucune force d'aucune nature que ce soit. Pas d'électricité dans l'air, pas de violence des images, pas de musique qui vous donne la fièvre (ah, la nostalgie de Chostakovich !) et très peu d'inventivité dans ce qui devrait être la principale force du film : le montage. Si l'on excepte quelques séquences joliment orchestrées quoiqu'un peu brouillonnes, on s'ennuie ferme : les raccords sont on ne peut plus prévisibles, les images très carrées. Il faut dire que la durée (plus de deux heures) n'arrange rien. A part les paysages bien évidemment splendides de Mongolie et quelques scènes isolées intéressantes visuellement, "Tempête sur l'Asie" se regarde comme une pièce de musée coincée entre ses toiles d'araignée...
Un curieux cocktail de film d'aventures trépidant et de propagande ridicule. Ce qu'il faut retenir de ce film, c'est la belle application des théories du cinéma soviétique, transposée essentiellement par le biais d'un montage ahurissant de maîtrise. De plus, l'humour sarcastique du film fait parfois passer la pilule par rapport aux idéologies véhiculées.