Il est des films qu’on va voir pour se vider la tête et d’autres pour la remplir. Mais que ce soit l’un ou l’autre on attend toujours de passer un bon moment.
C’est le cas avec Hanna Arendt, mais (quoi, un "mais" qui arrive aussi tôt !) le film s’enferme un classicisme tel, qu’on voit les 2h passer.
Le propos est toujours là, intéressant d’ailleurs, quoique légèrement différent de ce que j’attendais. Je pensais avoir affaire à une levée de boucliers sur la théorie de la banalité du mal, prenant pour point de départ le procès d’Eichmann. Hanna Arendt le décrit plus comme un bureaucrate qui ne pensait pas qu’un véritable nazi. Mais les réactions très fortes de la communauté juive sont plutôt sur le fait que la philosophe a mis en cause le rôle de leaders juifs dans l’importance des nombre de victimes de l’Holocauste. Le contenu est le même, mais j’ai trouvé le message brouillé.
Je ne vais pouvoir aborder que le fond car là où le film pêche (de mon point de vue évidemment) c’est sur la forme. Tout est très propre, terriblement classique, aucun acteur n’est spécialement éblouissant (Barbara Sukowa est excellente ceci dit) et le montage est même assez décevant. Ce manque de prise de risque, de traitement même légèrement original fait que le film ne me restera sans doute plus en mémoire dans quelques…allez… années.
Un film comme celui-ci a pour but, je pense, de permettre à chacun d’aborder cette période de la vie d’Hanna Arendt et la théorie développée par celle-ci. Seulement, j’aurais aimé plus de développements, plus d’explications sur certaines choses (par exemple sur quoi, concrètement s’appuie-t-elle pour mettre en cause des leaders juifs) et moins sur d’autres (sa relation avec Heidegger, mal mise en valeur).
Le contenu du film est bien sûr intéressant, et il est particulièrement fort sur la… susceptibilité qui peut accompagner toutes les réflexions (ou autres) qui peuvent être faites de l’Holocauste et de ses conséquences. On a vite fait d’être taxé d’antisémite, encore aujourd’hui, et d’autant plus à l’époque. Là-dessus, le film touche juste.
Hanna Arendt se situe aussi dans un cadre privé. Ce sont les réactions de l’entourage d’Hanna Arendt que l’on a. Les réactions extérieures seront expédiées en quelques coups de fils vite interrompus, et quelques piles de lettres. A l’inverse, le développement est fait sur les amis qui restent des amis, ceux qui s’éloignent car trop butés sur des convictions qui ne reposent que sur des préjugés et… Hum. Bref, le film ne permet pas de développer tout le contexte historique pourtant révélateur le plus souvent de certaines réactions.
Hanna Arendt est sympathique (le film hein. Je ne me permettrais pas de jugement sur la personnalité de la philosophe !) mais j’en attendais plus que ça. Un petit documentaire d’1h serait aussi bien, voire plus instructif. Et aurait l’avantage de ne pas "mentir", dans le sens où sur les réactions, les comportements, relations entre les personnages, même si le tout est documenté, on reste dans une certaine interprétation. Ca dérange ou pas bien sûr, mais lorsque le film se déroule avec un angle plus privé, cette interprétation peut être un peu plus gênante.
Je suis tout de même bien content de l’avoir vu, le film reste tout de même agréable et instructif. Le monologue d’Hanna Arendt, à la fin, particulièrement prenant. On voit que ses détracteurs restent de toute façon sur leurs positions mais qu’à l’inverse, les étudiants sont prêts à… penser, tout simplement.