"(...) il est dans la nature même du totalitarisme, et peut-être de la bureaucratie, de transformer les hommes en fonctionnaires, en “rouages” administratifs, et ainsi de les déshumaniser (...)"
"(...) Eichmann n’est pas une figure démoniaque, mais plutôt l’incarnation de l’“absence de pensée” chez l’être humain (...)"
Il peut s'agir aussi d'une pensée formatée par un conditionnement, par une déculturation programmée accompagnée par l'imposition d'une autre culture... Plus profondément encore, la déstructuration culturelle et sensible qui coupe les individus de la nature, des autres vivants et de leur nature pour les déboussoler et les amener plus ou moins à leur insu à servir des intérêts étranges, un système nuisible, voire un totalitarisme, est devenu assez commun. Plus commun encore aujourd'hui qu'à l'époque d'Hannah Arendt.
Quelques années avant Hannah Arendt, après avoir fait l'expérience du nazisme et l'avoir fui, Theodor Adorno et Max Horkheimer ont mené une autre recherche éclairante sur les origines du totalitarisme : La Dialectique de la Raison.
"Depuis le dix-huitième siècle, la pensée occidentale s'est trouvée confrontée à un choix contradictoire entre deux façons de raisonner, deux positions, deux écoles différentes. La première préconise de libérer l'esprit humain du carcan mental dans lequel il s'est lui-même emprisonné, dans l'espoir de parvenir aux valeurs intrinsèques de l'ordre, aux fins dernières, au but ultime de la vie. C'est le côté critique des Lumières : la raison consacrée à la libération, à la transcendance. Sur le rivage opposé de cette dialectique, on trouve la deuxième école, qui propose une domination de la nature. Cette dernière position, devenue la branche la plus active de l'héritage des Lumières, présuppose une désacralisation du monde, une réduction quantitative et mécaniste de l'univers en une masse informe d'objets hétéroclites. La raison devient un simple instrument au service des moyens et non des fins. Cette façon de voir conduit à l'aliénation spirituelle de l'homme, à sa coupure d'avec la nature, puis à l'industrialisation et à la mercantilisation du monde vivant. Toute l'histoire de la science ainsi que toutes les autres dimensions de la vie intellectuelle depuis le dix-huitième siècle sont empreintes de cette dialectique"
Le nazisme a poussé très loin la réduction quantitative et mécaniste, la réification du vivant. Il n'est malheureusement pas le seul et sa science de la propagande et de la manipulation de masse a fait beaucoup d'émules.
Quelques dizaines d'années après Adorno, Horkheimer et Harendt, la "culture anti-nature" est largement revendiquée, les serviteurs zélés du nouveau totalitarisme mondialisé défilent en foules, et l'effondrement des résistances et des alternatives est devenu une banalité.
ACG planetaryecology