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Ce film raconte un épisode de la vie d'Hannah Arendt. Il commence lors de l'enlèvement du criminel de guerre Adolf Eichmann en 1960 en Buenos Aires, suit le procès en Israel et va jusqu'à la parution en anglais de son livre "Eichmann à Jérusalem".
Ses écrits sur la "banalité du mal" et les discussions qui suivirent, tournaient autour de deux thèmes centraux, "Eichmann et sa responsabilité" et "Les juifs et leur attitude dans la catastrophe". D'un côté on a reproché à Hannah Arendt de minimiser le rôle Eichmann en lui ôtant son caractère démoniaque, de ne voir en lui qu'un médiocre exécutant, et de l'autre côté on l'accusait de vouloir rendre les juifs en partie responsables du génocide par une attitude passive ou même coopérative. Mais elle revendiquait sa liberté de pensée comme une responsabilité face aux normes, face au conformisme, elle voyait le procès d'un homme et non pas d'un peuple, alors que de nombreux juifs auraient voulu lui donner une valeur de symbole des crimes et des criminels nazis. "Je n'appartiens pas à un peuple...il n'y a pour moi que des individus. ". Claude Lanzmann dans ses mémoires, qualifie son attitude "un manque d'empathie, d'arrogance et une incompréhension de la situation".
Nous suivons Hannah Arendt pendant ces années-là, quelques flash backs nous la montrent dans sa jeunesse et dans sa relation avec Martin Heidegger. Nous la voyons dans son appartement de Manhattan, entourée d'un mari amoureux, des amis intellectuels, avec ses étudiants, à Jérusalem aussi auprès d'anciens amis. Jonglant entre les langues, les phrases fusent et les dialogues bénéficient des écrits que les protagonistes ont laissés et cette authenticité fait que le spectateur suit le film avec intérêt.
Rien de spectaculaire, c'est plutôt du genre téléfilm, juste quelques scènes documentaires pour nous mettre face à Eichmann grâce à des images d'archives. Le récit, très centré sur le personnage principal qui est examiné dans les gestes de sa vie quotidienne, reste sobre, presque linéaire. Les débats entre amis sont nombreux, ce n'est pas ennuyeux cependant on peut reprocher au film de rester en surface, de ne pas nous conduire plus loin dans la réflexion philosophique et de ne pas vraiment la situer dans l'ensemble de l’œuvre d'Hannah Arendt. Mais le cinéma n'est peut-être pas le meilleur support pour cela.
Comme il est de plus en plus fréquent au cinéma, la reconstitution des années 60 est soignée, les meubles, les vêtements, la coiffure...et la cigarette ! Elle est constamment présente, indissociable du monde des intellectuels de l'époque !
Ce film nous fait penser à un autre film "Le liseur", d'après le livre de Bernhard Schlink. Là aussi nous sommes témoins du procès d'une criminelle de guerre et le personnage central, une femme terriblement banale, dit elle aussi n'avoir agi que par obéissance !
Barbara Sukowa est très convaincante dans le rôle d'une femme libre dans ses pensées et indépendante par rapport à son entourage. Margarethe von Trotta a réussi son film, parce que malgré un sujet si difficile, on regarde ce film avec plaisir, il y a même quelques moments de légèreté. Il est accessible à tout le monde et invite à la discussion après la séance.