J'ai vu un film... qui reprend un des épisodes les plus marquants de la vie de cette philosophe contestée que fut Hannah Arendt... On la suit à travers le procès Eichman et sa prise de position iconoclaste sur "la banalité du mal" et sur la participation des communautés juives dans l'oeuvre d'extermination du IIIème Reich... Mais avant de revenir sur le sujet et la controverse de cette prise de position, le film de Margarethe Von Trotta est d'un classicisme maîtrisé et sans exubérances, ni relief (et c'est bien là son principale défaut)... Par contre, en terme de qualité, j'ai apprécié les flash-backs qui nous montrent les relations ambiguës, passionnées et fortes qui unissait Hannah Arendt à Martin Heidegger, l'un des inspirateurs de la pensée Nazi, avec Nietzsche... La mise en forme et en perspective du procès est une idée brillante d'images d'archives... Cela permet de voir et de ressentir une époque et une souffrance... Barbara Sukova incarne une Hannah Arendt crédible et touchante car parfois tiraillée entre sa certitude de devoir parler et celle de ne pas incriminer les survivants de la Shoah... Pour en revenir sur la polémique de cette philosophe, on la suit pendant le procès d'Eichman à Jérusalem en 1961... Elle pose les questions de la responsabilité d'un individu dans un système concentrationnaire et exterminateur... Et où l'action d'un seul individu n'est qu'une "micro-action" dans un ensemble complet... La question qui se pose est de savoir si Eichmann peut endosser l'ensemble de la responsabilité de l'extermination des juifs d'Europe... Est-ce son procès -à lui seul- ou celui d'un système ?... A cette question, la philosophe adopte une position qui la met en porte-à-faux vis-à-vis de ses coreligionnaires et de ses amis, car pour elle, ce bureaucrate, ce fonctionnaire, cet être banal ne peut être l'instigateur de ce système... Il n'en est qu'un rouage... Maintenant, dans le fond est-ce réellement le cas ? Comment ne pas penser que cet individu au-delà des ordres a exprimé une pulsion, des intentions et même de la volonté... N'a-t-il pas sciemment désobéi à Himmler lui-même pour poursuivre son oeuvre malgré des ordres contraires ? Sur l'autre volet de la controverse, concernant la participation des juifs dans leur propre extermination... On peut imaginer que pour l'ensemble des juifs européens, il y avait un respect fort à un certain légalisme... Ce fut le cas tout au long de l'histoire et dans tous les pays d'Europe... Alors sans parler de collaboration active, on peut imaginer des contributions volontaires ou moins volontaires de se dire qu'en accédant à la demande des Allemands (cf les autorités françaises et le procès Papon)... Donc en respectant la loi, ils pensaient dénouer la corde qu'on leur mettait au cou... Et le sentiment de révolte n'a pas (ou peu) habité les populations juives qui ont pris les trains qui les ont emmenés dans les camps de concentrations et les camps d'extermination... Au-delà du constat sans doute exact présenté par Hannah Arendt, il eut été aussi intéressant selon moi de comprendre les motivations réelles des organisations juives qui ont, et c'est mon opinion, cru pouvoir atténuer la souffrance en obéissant aux allemands. Ca c'est malgré tout, en obéissant toujours aux autorités des différents pays dans lesquels ils ont vécus que les juifs ont survécus... Et c'est cette qualité qui leur a fait défaut pendant la guerre, car l'objectif n'était pas juste un pogrom, une demande de rançon, une expulsion, mais une extermination... Et le logiciel n'était pas encore programmé pour être ne serait-ce qu'envisageable... Aujourd'hui on sait que cela est possible, que cela a été fait jusque récemment... Donc, ce film sur Hannah Arendt est intéressant, mais aurait gagner à approfondir de nombreux aspects sur les ressentis profonds et les motivations des victimes...