Je n'attendais rien de ce biopic. Etant moi-même un utilisateur de Mac, je sais à quel point la communauté Apple peut être dans le culte de la marque à la pomme est de son créateur. Aussi, je suis finalement relativement surpris par le ton du film, qui prend le risque de déplaire aux fans de Jobs en dépeignant à la fois son génie, mais aussi sa face sombre et honteuse (vérifiable aisément).
Ashton Kutcher, à ma grande surprise, n'est pas mauvais, et prouve qu'il peut être plus que le simple boyfriend de Demi Moore, le présentateur horripilant de Punk'd, ou pire, un simple acteur de film pour ado contenant "sex" dans le titre. Le film se regarde facilement, bien qu'il m'ait semblé déséquilibré : en effet, pendant 1h30, on en reste à Steve Jobs avant 1985, et la demi-heure restante ne se concentre que sur le retour de Jobs à Apple à la fin des années 90. Pourtant, le Apple que nous connaissons aujourd'hui est celui des années 2000, et ce passage sous silence est quelque peu intrigant.
Cependant, au-delà de ce défaut plutôt gênant, j'ai beaucoup apprécié la capacité de ce film à sortir du manichéisme et à nous interroger à la fois sur les conditions du succès, mais aussi sur notre capacité à élever des hommes au rang de mythes, oubliant parfois leurs faiblesses humaines, qui ne sont pourtant pas négligeables. Dans ce film, on nous montre un Jobs génial, mais aussi autoritaire, irresponsable (envers sa fille et la mère de celle-ci, qui dut d'ailleurs utiliser des food stamps pour subvenir aux besoins de sa famille quand le père de sa fille était déjà multimillionaire), malhonnête (envers Wozniak), gratuitement mesquin (envers Kottke)... Finalement, le génie de Jobs rappelle celui de Lennon, et interroge sur le culte qu'on lui accorde, car finalement, ce qui ressort de ce film, c'est que Jobs, pour devenir ce qu'il fut, n'a pas hésité à être le pire des amis, le pire des pères, le pire des collègues, tout en restant un homme admirable par ce qu'il est arrivé à faire.
Je crois qu'en cela, ce film est un bon film : il fait réfléchir, n'apporte pas de réponse évidente, et invite à se penser soi-même sur le personnage qu'il dépeint pour se faire sa propre opinion.