Adapté du roman de Maxime Gorki, "La Mère" rentre dans la catégorie de ce cinéma russe qui a connu une certaine renommée dans les années 20, à l'instar du "Cuirassé Potemkine" d'Eisenstein, même si ce dernier possède plus grande réputation. Dommage d'ailleurs que "La Mère" de Poudovkine n'ait pas connu de meilleure reconnaissance contrairement au "Cuirassé". Sorti en 1926, "La Mère", à l'instar des films d'Eisenstein, s'ancre parfaitement dans ces films propagandistes en faveur du régime communiste. Pourtant, contrairement à Eisenstein qui pousse la propagande jusqu'à son paroxysme d'une manière pas toujours subtile (malgré un sens du montage et de la réalisation qui étaient révolutionnaires pour l'époque), Vsevolod Poudovkine se veut beaucoup plus subtil dans son scénario. Certes, il reprend l'histoire contée par Gorki dans son roman homonyme, pourtant, l'on constate que c'est avant tout les émotions des personnages qui sont mises en avant. Nombre de plans montrent cette mère désemparée par les tragiques événements qui surviennent dans son quotidien. Entre la mort de son mari (ayant pactisé avec l'organisation d'extrême-droite, les Cent Noirs) et l'incarcération de son fils, l'accent du film se focalise avant tout sur ces âmes, ces regards différents dans un quotidien de labeur. Comment ne pas ressentir de l'émotion devant toutes les épreuves que subit cette mère. Les personnages, comme dans une tragédie grecque, sont pathétiques. Et Poudovkine préfère accentuer son film sur l'Homme et ses sentiments, que sur la propagande. Certes, de la propagande, il y en a, notamment durant la scène finale dans laquelle la mère brandit le drapeau rouge, ou l'allégorie de conclusion sur les murs du Kremlin. Toutefois, malgré cet aspect, "La Mère" est avant tout un film tragique, ou les sentiments se mêlent et ou l'Homme est présenté dans ses bons comme ses mauvais côtés. Du côté de la narration, le montage apporte un véritable plus à l'ensemble. On connaissait Poudovkine pour ses théories sur le montage, avec "La Mère", il prouve qu'il maîtrise la chose avec une certaine aisance. Il suffit d'être attentif aux nombreux plans et cuts pour se rendre compte que Poudovkine, à l'instar d'Eisenstein ou, dans un autre registre, Abel Gance (période muette bien sur), était bien en avance sur son temps. "La Mère" fait parti de ces œuvres avant-gardistes du cinéma muet.