"What though the radiance
which was once so bright
Be now for ever taken from my sight,
Though nothing can bring back the hour
Of splendour in the grass,
of glory in the flower,
We will grieve not, rather find
Strength in what remains behind;
In the primal sympathy
Which having been must ever be;
In the soothing thoughts that spring
Out of human suffering;
In the faith that looks through death,
In years that bring the philosophic mind."
Rendons à César ce qui appartient à César, voilà "Splendor in the Grass", poème de William Wordsworth qui donne son vrai titre à l'oeuvre d'Elia Kazan ainsi qu'à un passage bouleversant du film où il est lu par le personnage de Natalie Wood.
Elia Kazan sort du tournage de "Wild River" lorsqu'il se lance dans celui de "Splendor in the Grass" où il fait appel à deux jeunes acteurs pour tenir les rôles principaux. Il nous emmène dans le Kansas de l'entre-deux-guerres et nous fait suivre deux adolescents, Bud et Deanie, alors au collège qui s'aiment mais qui voient divers obstacles se dresser devant eux.
Kazan nous transporte littéralement dans cette période d'entre-deux-guerres et met en scène des adolescents qui doivent faire des choix importants et décider d'une partie de leur futur. Dans un premier temps, il s'attache surtout au quotidien de ce couple et à leur vie de tous les jours entre l'école, les parents, les camarades ou les flirts avant de mettre en place les obstacles que Bud et Deanie auront face à eux, à commencer par un père autoritaire n'écoutant que lui-même et fortement influençable sur son fils.
Kazan axe surtout son histoire sur les deux personnages principaux, montrant d'abord un bonheur et un amour passionné, communicatif et presque naïf fait de petites intentions et même petites jalousies normales lorsque l'on a cet âge-là. Mais là où Kazan brille, c'est qu'en plus de très bien mettre en scène cette routine, il va faire doucement basculer le récit dans la dureté à travers le père autoritaire, la sœur malheureuse et intenable, les conventions de l'époque, les classes sociales ou encore le regard des autres et faire tomber ses personnages dans une déchéance morale et un enfermement sur soi allant (entre autres) jusqu'à la dépression.
Tout ce qu'il met en scène, Kazan le capte merveilleusement. Tour à tour il donne une dimension légère, naïve, lyrique, mélancolique puis cruelle et dure, mais toujours prenante, bouleversante et passionnante. Il s'appuie sur des personnages très bien écrit, intéressant, travaillé psychologiquement et attachant, surtout celui de Deanie. Leur évolution et les relations qu'ils entretiennent le sont tout autant, Kazan les traite de manière subtile et intelligente. Il arrive à insuffler des émotions, de la profondeur et de l'intensité à son récit. Plusieurs scènes sont assez fortes et montrent la puissance du récit que ce soit les scènes quotidiennes, celles en classe ou cette fin qui démontre tout simplement le génie de Kazan.
Kazan nous immerge dans cette Amérique et montre le bouleversement provoqué par la crise de 1929 avec l'avant et l'après. Il dénonce aussi les conventions d'une époque et certaines influences qui peuvent se révéler néfaste, surtout lorsqu'un père tente de lui-même faire la vie de son fils. Visuellement c'est superbe, que ce soit grâce à la qualité de l'image ou de la reconstitution, intérieur et extérieur, de Kazan qui nous transporte dans le Kansas et capte la façon de vivre à ce moment-là.
S'il y a bien une constante dans la filmographie d'Elia Kazan, c'est bien son exceptionnelle direction d'acteur et "Splendor in the Grass" ne déroge pas à la règle. Natalie Wood trouve là son meilleur rôle, d'abord jeune, belle, charmante et innocente puis sombrant peu à peu et montrant comment l'amour, un sentiment à la base si innocent, peut faire si mal. Elle rend son personnage attachant et son évolution bouleversante. Elia Kazan joua d'ailleurs avec sa peur naturelle de l'eau, notamment lors de la scène de bain. En face d'elle, Warren Beatty dans l'un de ses tout premiers rôles est excellent, d'abord pris sous l'autorité de son père et passant pour le fils modèle face à une sœur plus "libre" et enfin, en se rendant peu à peu compte de ses erreurs. Les seconds rôles ne sont pas négligés, loin de là et notamment Pat Hingle dans le rôle du père de Bud et Barbara Loden dans celui de sa sœur.
Porté par la magnifique et brillante Natalie Wood qui ne m'a jamais laissé indifférent, "Splendor in the Grass" m'a fortement marqué et pris aux tripes comme peu de films ont su le faire. Une oeuvre bouleversante où Elia Kazan montre à nouveau quel brillant metteur en scène il était.
C'était dans le cadre d'une nouvelle vision de certains films que je n'avais plus revu depuis mon inscription sur SC et finalement, il n'a jamais volé cette place dans mon top 10 films qu'il n'est pas prêt de quitter.