Film russe, muet, noir et blanc de 1924, un an avant son Cuirassé Potemkine, où Sergueï Eisenstein fit son premier essai en réalisant cette commande propagandiste soviétique destiné à montrer les abominations d’un patronat criminel, face à une classe ouvrière brimée sur laquelle repose néanmoins le socle économique autant que les vertus.
En 1908, broyés par une classe dirigeante de caricaturaux obèses actionnaires fumeurs de cigare, d’une armée brutale, d’une fourbe milice infiltrée dans les usines, les ouvriers, sous-payés et harassés de labeur, d’irrespect et d’injustice, laisse éclater leur colère, le jour du suicide d’un des leurs injustement accusé de vol, en déclenchant une grève. Une répression disproportionnée, sanglante et brutale ne tardera pas.
Les tâtonnements techniques, les essais en intérieurs comme en extérieurs, les jeux d’ombres et de visages, les déferlantes de flots humains, les animaux, les bruitages synchronisés, constituent l’essentiel du charme des premiers explorateurs du cinéma. Selon la sensibilité et la culture du pays, il est également stupéfiant de constater que pendant que Charlie Chaplin tournait Le kid ou La ruée vers l’or, le cinéma russe inventait l’ultra-violence en montrant crûment la misère, la famine, la répression du prolétariat, l’intimidation, la corruption, la violence du pouvoir tsariste, à coups de massacres de gens brisés, d’animaux égorgés, de giclées de sang et d’enfants défenestrés.