"Foxcatcher" est un film assez étonnant dans son ensemble, car il joue sur les silences, les non-dits, le mystère permanent, une atmosphère glaçante et une mise en scène redoutablement classique, se refusant à utiliser des artifices ou bien une overdose de musiques et de dialogues explicatifs lourds. Ces choix narratifs, déconcertants au début, s'avèrent efficaces, malgré un démarrage trop long et quelques lenteurs ici et là dans le récit. Au niveau du scénario, structuré en 3 temps
(la complicité naissante et paternelle entre Mark et John, l'aspect possessif et illusoire de cette relation, la destruction psychologique des 2 hommes)
, le film aborde intelligemment une multitude de thématiques passionnantes
(la lutte à la notoriété faible voire nulle, le besoin de l'Amérique d'avoir des héros, l'influence néfaste d'une mère qui rabaisse sans cesse son fils, les folies permises par le trop-plein d'argent, le rêve américain brisé, l’ambiguïté sur l'homosexualité de Mark et John difficilement révélable à cette époque et donc contenue)
, le tout dans un petit jeu habile de manipulation
(celle de faire croire que John est un gentil et que Dave supervise son frère pour mieux s'assurer qu'il restera de niveau inférieur, alors qu'en réalité c'est tout l'inverse)
donnant des scènes flippantes
(le vélo, la mère qui assiste à l'entraînement, les négociations, le meurtre brutal et froid de Dave par John, etc...)
. La qualité du film réside aussi dans la prestation XXL de Steve Carell, sorte d'ombre omniprésente, silencieuse, glaçante, lunatique, cachant systématiquement ce qu'il pense et au profil effrayant
(le nez est monstrueux, le visage est marqué)
. Du côté des 2 lutteurs, j'ai préféré l'excellent Mark Ruffalo, lui aussi transformé, à Channing Tatum, pas toujours très expressif. Au final, en dépit de soucis de rythme, "Foxcatcher" est un film brillant dans sa façon de raconter les motivations troubles et perverses de John et les conséquences de celles-ci sur la carrière et la vie de 2 frangins lutteurs.