Bennett Miller s'est clairement imposé comme un faiseur de biopics au cours de sa, pour l'instant, courte carrière car en seulement 3 films il n'a réalisé que des films basés sur des histoires vraies. On a eu tout d'abord le très réussi Truman Capote qui traitait l'histoire du personnage comme une véritable tragédie grecque puis on a eu Moneyball, biopic plus convenu qui vaut plus pour son casting que pour le traitement de son histoire mais il reste relativement bon. Ici il s'attaque à un fait divers qui défraya la chronique en 1996, une histoire trouble et fascinante qui est clairement du pain béni pour Hollywood. Car il est rare que Hollywood laisse en paix les bonnes histoires, car aussi cynique que cela puisse paraître dramaturgiquement parlant ceci est une bonne histoire. On se croirait presque devant un drame shakespearien, tout les éléments étant réunis, la présence fantomatique du père absent qu'on recherche par tous les moyens, le besoin maladif d'être aimé et admiré par sa mère, la rivalité fraternelle, les jeux de pouvoirs, etc. On est véritablement devant une histoire passionnant qui se raconte toute seule mais qui, dans une première partie, est vraiment transcendé par ses scénaristes. Globalement tous le scénario se forge sur les silences et les non-dits, ce qui le rend totalement opaque et cela en fait sa force laissant libre court à l'imagination du spectateur mais aussi sa faiblesse car celui-ci restera globalement détaché des personnages en raison d’ellipses certes excellemment utilisés mais trop nombreuses et d'un manque de développement des rapports humains dans la seconde partie du récit. La première partie, elle, arrive brillamment à poser les personnages en raison de la mise en scène surtout qui nous permet de les comprendre avec peu de mots, le début du film étant très silencieux, mais elle permet aussi de développer les personnalités troubles et les relations entre les personnages tout en faisant un parallèle judicieux avec la part sombre de l'Amérique. Pour cela le film use d'un habile jeu de miroirs, John Du Pont et Mark Schultz étant très similaires, nourrit par les mêmes obsessions et la même vision du monde, tout deux veulent sortir de l'ombre d'un de leurs proches. C'est donc l'histoire d’écorchés vifs, l'un a besoin d'un ami ce qu'il n'a jamais eu et l'autre a besoin d'un père ce qu'il n'a jamais connu tandis que dans une certaine mesure le troisième personnage, Dave Schultz, a besoin d'assurer la sécurité et la stabilité de sa famille. Ce sont trois personnages à la recherche d'un idéal, du rêve qu'ils ont toujours eu à tel point qu'ils en deviennent des obsessions. Pour Du Pont, un être choyé qui vit dans sa bulle protectrice d'autosuffisance où il croit que tout lui réussi alors que la vérité est autre, c'est un perdant, il l'a toujours été et il veut à tous pris prouvé à sa mère qu'il peut une fois dans sa vie gagné, c'est son rêve à atteindre, un rêve qui le fera tomber dans la paranoïa et la jalousie. On peut donc très vite comprendre pourquoi il se prêtant aussi patriote, comme la scène ou il explique que des hommes sont morts sur son domaine pour défendre la liberté, ce sont des histoires à succès, le patriotisme est une sorte d'élite dont se complaît le personnage ou il peut y afficher toute sa dominance aussi illusoire soit-elle car elle ne provient que de son argent. Pour les frères Schultz, les obsessions seront bien différentes, Mark ne veut pas vraiment être le meilleur au monde comme il le dit, il veut juste être meilleur que son frère, sortir de son ombre et devenir sa propre personne, le seul moyen qu'il est trouvé de faire ça étant l'auto-destruction, durant toute sa vie il n'a été que second et en ça il se rapproche de Du Pont, même dans le choix de son métier la lutte il n'est que l'extension de son frère. Dave lui aura des motivations plus pures, s'imposant même comme le personnage le plus noble de cette histoire, ce qu'il fait c'est avant tous pour sa famille, il ne veut pas recréer les erreurs de son passé et veut faire au mieux pour tous le monde, c'est le bon père de famille et le frère aimant, celui qui obtient le succès alors qu'il ne l'a jamais vraiment cherché, c'est pour cela qu'il est autant jalousé. Au final aucuns n'aura eu ce qu'ils désiraient, Dave sera contraint de plonger ses enfants dans ce qu'il a vécu, une enfance sans père et sans attaches, Mark vivra toujours dans l'ombre de son frère qui dans sa mort à atteint une forme de gloire éternelle et Du Pont finira seul, dans la misère et la disgrâce. Et c'est la que pour moi ce qui est le personnage centrale du récit prend toute sa valeur, le domaine de Foxcatcher. C'est ici que cumule tout les rêves des personnages, la lutte n'est au final qu'un moyen illusoire de parvenir aux succès, Foxcatcher qu'on pourrait traduire par attrapeur de renard est très symbolique, le renard est un rêve à atteindre et à attraper, d'ailleurs Du Pont fait un phrase très révélatrice et ironique sur cela " Maman avez-vous attrapé le renard ?" dit-il lorsqu'il fait un discours sur son succès, le renard est un rêve que sa mère à probablement attrapé mais pas lui. Foxcatcher devient donc un attrape-rêves, les personnages sont pris dans cette toile de promesses et sont condamnés à se consumer les uns les autres. On pourrait même étendre ça au pays en lui-même, l'Amérique étant les pays des promesses et des opportunités, le rêve américain comme on dit, ce qui dans cette effet de miroir constant rend l'ensemble captivant. Cet aspect de l'histoire est purement mystique et fascinant, la première partie de l'histoire arrive bien à capter cela dans les relations sinueuses des personnages, la lenteur de son rythme et dans son coté contemplatif. Malheureusement la deuxième partie s'accélère, s’intéresse plus à la lutte et moins aux personnages et à leurs relations, l'histoire s'efface derrière le fait divers et peine à susciter l'émotion nécessaire, ce qui fait que la fin du film tombe complètement a plat, elle se voulait poignante et dramatique mais on reste un peu de marbre. Surtout que le film ne s'est pas donné la peine de développer la vie de famille de Dave ce qui fait que l'on n'est pas touché parce qu'il se passe, Dave ayant aussi été relégué au second plan et les derniers plans sur les photos de familles fait bien trop grandiloquent et larmoyant qu'ils perdent de leurs impacts. De plus pas mal de longueurs viennent ce joindre au récit ce qui fait que l'ennui pointe le bout de son nez et enlève l'aspect fascinant et captivant de l'histoire. Le film avait pleins d'ambitions mais n'a pas trop su comment les gérer et à donc fait de mauvais choix. Personnellement j'aurais suivi l'aspect mystique de l'histoire en faisant du domaine un personnage à part entière, le filmant comme un purgatoire ou les personnages n'en sortent pas, mettant les ellipses narratives durant les matchs de boxe extérieur, m'intéressant davantage à leurs relations autodestructrices avec une ambiance de plus en plus sombre et désespéré au fur et a mesure des ellipses, cela aurait rendu le récit plus impactant et sa fin plus marquante, faisant donc un huit clos métaphysique et oppressant. C'est ce que m'avait promis la première partie du film qui disposait de pleins de bonnes idées comme la relation presque homo-érotique entre John et Mark. Malheureusement le film ne sait pas trop sur quel pied danser et se trouve donc être plus classique que prévu et que je ne l'aurais souhaité. Néanmoins le casting est parfait, d'ailleurs le film est comme je l'imaginais de ce côté, c'est un film qui se tourne d'avantage vers ses performances d'acteurs, ils sont d'ailleurs tous excellent. On retiendra bien sûr Steve Carell, ici à contre-emploi qui fait un travail fantastique qui dépasse même les prothèses qu'il porte. Il est méconnaissable mais pas que dans son physique, aussi dans son jeu. Il se place en bon concurrent pour les prochains Oscars. Mark Ruffalo aussi impressionne dans ce qui est probablement un des ses meilleurs rôles, il campe ce personnage à la perfection mais je ne le vois pas gagné l'Oscar malgré son superbe travail, après tout J.K. Simmons est en face. Sinon Channing Tatum prouve qu'il est un acteur plus intéressant qu'on ne pouvait l'imaginer, même si il reste mutique voir monolithique une bonne partie du récit, il prouve grâce à des scènes clés qu'il est un acteur formidable lorsqu'il est bien dirigé.
La réalisation est magnifique grâce à une photographie soignée, un montage acéré et une parfaite gestion de la musique, elles se font rares mais elles sont utilisées avec intelligence. La mise en scène de Bennett Miller se veut très contemplative, instaurant un rythme lent et une ambiance angoissante assez savoureuse. Les scènes s'installent dans la longueurs et sont en perpétuelles évolutions comme les scènes de luttes qui sont excellemment filmés qui commence presque comme des câlins pour au final finir dans la fureur ( comme la scène de l'entrainement entre les deux frères ). Les plans sont magnifiques notamment la scène des chevaux vers la fin du récit et globalement la mise en scène se fait classique mais ne tombe jamais dans l'académisme, l'ensemble est donc d'une maîtrise incroyable et n'a, selon moi, pas volé son Prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. En conclusion Foxcatcher est un bon film, même le premier bon film de 2015 pour moi, c'est une oeuvre intelligente, habile et maîtrisée. Mais qui selon moi aurait vraiment pu prétendre à plus, dans certains choix que je juge bancal elle se perd dans des longueurs inutiles qui finissent par agacer, elle a tendance à se répéter dans la deuxième partie du récit comme si les mêmes scènes se répétaient en boucle et le film est bien trop froid ainsi qu'il fini par prendre bien trop de distance avec ses personnages pour impliquer ou marquer le spectateur. C'est d'autant plus dommage car le final est traité de la même façon qu'un drame qui se voudrait larmoyant mais cela ne fonctionne pas. C'est un film qui a donc clairement des allures de grands films que je peux comprendre qu'on le prenne comme tel, mais personnellement je me suis érigé une image trop parfaite de ce film pour que je sois pleinement convaincu de celle qui m'est offert là. Typiquement le genre de film qui après l'avoir vu j'aimerais le refaire pour qu'il corresponde à mes attentes mais je le redis et je le confirme, il reste un bon film.