Plus de trente ans après sa sortie littéraire, « Le bon gros géant » se voit adapter à l’écran par le talentueux Steven Spielberg. La rencontre entre l’univers de Roald Dahl et celui du cinéaste américain est-elle réussie ? En partie oui. Mais le dernier ne tient pas non plus toutes ses promesses. On vous explique pourquoi :
Avec sa bande annonce intrigante, « Le bon gros géant » dévoilait bien peu de chose. Si l’on sait que l’histoire est tirée de l’univers de Roald Dahl (le même auteur que « Charlie et la Chocolaterie », « Sacrées sorcières » ou encore « Matilda ») et que la mise en scène est signée par le génial Steven Spielberg, on ne sait par contre pas vraiment à quoi s’attendre et cela à forcément piqué à vif bon nombre de spectateurs dont faisions partie.
Le film (et le roman) raconte l'histoire de la jeune Sophie qui se fait enlever par BGG, un géant bien plus gentil que tous ses comparses, mangeurs de chair fraîche. BGG voyage la nuit dans Londres pour souffler des rêves qu’il a confectionné dans son atelier. Mais puisque Sophie l’a repéré, il n’a pas d’autre solution que d’emmener la fillette avec lui, dans le pays des géants. Risée de la communauté, BGG est maltraité et encore plus depuis que les autres géants ont découvert qu’il gardait un être humain chez lui…
Traque, suspense, amitié, magie, douceur, bravoure,… le film oscille entre différentes valeurs et offre une action tantôt prenante, tantôt calme. Cette inconstance est d’ailleurs responsable d’un sentiment de longueur (et parfois de lenteur) peu agréable surtout si on voit le film le soir. C’est vrai, le long métrage fait presque deux heures, mais contrairement à d’autres films du genre, ici, on sent le poids du temps, preuve que tout n’est pas réussi. Le scénario parfois absurde (mea culpa, ce serait la faute de Roald Dahl) risque de laisser certains adultes sur le bas-côté. Spielberg s’est permis quelques libertés (l’atelier de BGG est caché derreière une cascade et non pas dans la cave de son logis, par exemple) mais dans l’ensemble, le metteur a scène a tâché de rester au plus près de la féerie de l’univers de l’écrivain. Certaines scènes, facilement dispensables, auraient pu être raccourcies ou sucrées au montage pour dynamiser un peu plus le film mais qu’importe, les enfants trouvent leur compte c’est le principal !
Pourquoi cette adaptation après tout ? Le cinéaste a découverte le roman de Roald Dahl lorsqu’un de ses enfants avait quatre ans. Il lui lisait quelques chapitres le soir et a fait de même avec les suivants quelques années plus tard. Pas étonnant donc que le papa de « Hook » ou d’ « E.T. » se soit lancé dans ce beau projet. Moins abouti que d’autres de ses films, « BGG » garde une touche de fantaisie qui fait plaisir à voir sans non plus laisser un souvenir impérissable.
En ce qui concerne la réalisation, Spielberg a fait le choix d’utiliser des images de synthèse pour donner vie à ses géants. Le savoir-faire déployé pour son équipe technique est certainement l’atout du film : elles sont soignées et tellement bien travaillées que Buveur de Sang, Avaleur de Chair Fraîche, Garçon Boucher et surtout BGG, prennent vie sous nos yeux comme par magie (et en particulier de BGG) !
Pour que le résultat soit optimal, le travail s’est fait en prises de vues réelles et en performance capture. Le réalisateur a d’ailleurs filmé les acteurs dans leur combinaison sur le même plateau que les personnages réels, afin que l’échange soit optimal et le plus réaliste possible : mission réussie !
Si nous n’avons pas eu sa voix (nous avons vu le film en VF), nous avons eu une interprétation époustouflante de Mark Rylance : BGG lui ressemble d’ailleurs presque trait pour trait (les oreilles exagérément grandes en moins). L’excellent acteur britannique a travaillé dernièrement avec Spielberg sur « Le pont des espions » pour lequel il avait d'ailleurs remporté l'Oscar du meilleur second rôle. Cantonné pendant longtemps dans des seconds rôles, le comédien sort de sa réserve et nous prenons à chaque fois un grand plaisir à le découvrir sur nos écrans.
En VF, c’est Dany Boon qui se retrouve au doublage, et il est très convaincant dans ce rôle! Sa voix est presque méconnaissable, tant le ton et le vocabulaire propre à BGG prennent le dessus. Exit l’accent ch’ti : on est touché par la maladresse de ce géant attendrissant, preuve que le travail du Français est réussi haut la main. C’est par contre moins le cas en ce qui concerne le doublage de Sophie qui est lui, bien moins performant...
Parlons justement de Sophie, cette petite fille interprétée par Ruby Barnhill. La toute jeune comédienne n’a que 9 ans et réalise sa première prestation au cinéma … plutôt concluante ! On lui souhaite d’ailleurs le même parcours que Drew Barrimore, qui avait crevé l’écran du haut de ses 7 ans dans « E.T l’extraterrestre ». D’autres figures célèbres du cinéma viennent s’ajouter au casting : Penelope Wiltan (« Indian Palace », « Downton Abbey ») ou encore Rebecca Hall (« The gift », « Vicky Cristina Barcelona »)
sont locataires de Buckingham Palace et viendront en aide à Sophie et BGG.
Notre regret vient sans doute du jeu outrancier de ces comédiens adultes « physiquement présents », qui donne un ton décalé voire kitsch au film. On ne sait plus si nous sommes dans l’autodérision ou dans l’exagération mais on ressent une gêne dans ces quelques scènes « too much » qui ne dont là que pour arracher des rires aux spectateurs petits ou grands.
Agrémenté des musiques toujours magistrales de John Williams, « Le bon gros géants » est un film familial plaisant offrant une jolie histoire et de bons effets spéciaux mais que nous ne reverrons sans doute jamais plus : un beau Spielberg oui, un bon Spielberg, non…