Steven Spielberg avait fait sensation l'année dernière avec son Bridge of Spies, qui avait quasiment fait l'unanimité parmi les critiques et les spectateurs. Film historique prestigieux et remarquable, il ramenait devant la scène un Spielberg qui n'avait pas fait galvaniser comme ça depuis un certain temps déjà regagnant les faveurs d'un public de plus en plus enclin à vouloir l'enterrer. Les attentes pour la suite de sa carrière sont grandes, et beaucoup de yeux pétillants sont déjà tournés vers sa futur adaptation de Ready Player One qui devrait arriver en 2018. Mais avant ça, le cinéaste nous à concocte deux films, un s'intéressant à un scandale religieux du 19ème siècle qui sortira en 2017 et un qui débarque sur nos écrans cet été et qui est une adaptation d'un classique de la littérature jeunesse, The BFG de Roald Dahl.
Spielberg qui adapte Dahl, cela semblait comme une évidence mais le cinéaste aura mis le temps avant de s'attaquer à l'univers de l'auteur. Ici, accompagné de Melissa Mathison, avec qui il avait déjà travaillé sur E.T., il offre une adaptation bien trop sage du travail de Dahl. Voulant offrir un film moderne tout en faisant une oeuvre résolument nostalgique qui a pour but de renvoyer à ses meilleurs films sur l'enfance sans pour autant parvenir à les égaler, son scénario s'embourbe dans un début laborieux qui plonge souvent son récit dans le ridicule. Le premier tiers du film est trop vite expédié et on se rend vite compte que Spielberg n'est là que pour illustrer l'histoire de Dahl et qui ne cherche pas vraiment à la transcender ou la faire sienne, ce qui rend l'ensemble globalement insignifiant. Surtout qu'il s'intéresse, de prime abord, plus à l'univers des géants plutôt qu'à la relation du BFG et de Sophie, la petite fille qu'il prend sous son aile. Leurs premiers échanges sont trop mécaniques et téléphonés pour avoir un quelconque impact, et le commencement de leur amitié en devient presque forcé. L'univers du film est de plus assez classique, Dahl ayant alimenter l'imaginaire de pas mal de monde, ce sont des éléments que l'on connait par cœur qui nous sont introduits et qui plonge donc le tout dans la prévisibilité et qui peine à engendrer le moindre émerveillement. Chose que l'on attendais de ce nouveau Spielberg, être émerveillé, que notre âme d'enfant soit de nouveau bercé par lui.
Mais même si elle n'est pas bercé, elle est au moins traité avec respect. Car arrivé vers la moitié du film, un miracle opère. Celui-ci se libère de ses impératifs de nous présenter un univers déjà connu et trouve forme au sein de la relation entre les deux personnages principaux qui émergent enfin. L'écriture se fait plus fine, l'humour moins grossier - mis à part une scène de déjeuner vers la fin du film mais qui se révèle néanmoins efficace - et le récit parvient à se montrer touchant lorsqu'il se penche vers les espoirs, les rêves et les peurs de ses deux âmes solitaires qui cherche juste à être aimé. On se laisse prendre au jeu malgré quelques facilités dans l'écriture, notamment la manière dont l'enjeu principal du film vient se régler qui apparaît comme un prétexte, d'ailleurs les "méchants" ne présentent pas vraiment une menace tangible et le film n'est pas à son meilleur qu'il essaye d'alimenter ses enjeux. Il se montre plus intéressant lorsqu'il fait un portrait de son cinéaste et qu'il trouve une dimension méta. Spielberg trouvant son alter ego dans ce géant au grand cœur qui aime raconter des histoires et qui à conscience de ses maladresses. Il est un conteur sensible et parfois incompris mais qui livre une belle déclaration d'amour à ses spectateurs, et qui peut parfois se montrer bouleversant dans son envie de se mettre à nu. Il arrive à trouver une grâce dans toutes ses imperfections car il les assument et à défaut de réalimenter l'imaginaire de notre enfance, il parvient à nous rendre mélancolique face à notre statut d'adulte mais offre aussi un divertissement tout à fait honorable pour les plus jeunes.
Surtout que pour ce qui est de l'art de mettre en scène, Steven Spielberg est toujours un maître. Sa mise en scène est fluide, toujours inventive dans sa manière d'aborder ses personnages et ses décors pour que tout paraisse en osmose. Les mouvements de caméras sont amples et ambitieux, surtout dans les morceaux de bravoures qui sont ici aborder de manière très aériennes pour montrer le gigantisme des géants et il y a un travail sur les couleurs et les jeux de lumières assez ingénieux. Le code couleurs des rêves est bien pensé notamment dans la manière que ceux-ci ont de changé de couleurs selon les humeurs des personnages, permettant de comprendre leurs états psychologiques sans que cela passe par un dialogue trop explicite. Il cherche les nuances dans le traitement de son image, jouant avec les ombres pour nous suggérer l'horreur sans nous la montrer et il s'en sert aussi pour offrir une partie de cache-cache dans Londres assez grisante et habilement mis en image. Le tout est aussi accompagné avec grâce par les compositions classiques mais plaisantes de John Williams et les effets spéciaux sont plutôt correctes. Ils sont véritablement saisissants en ce qui concerne le double numérique de Mark Rylance, notamment dans la reconstitution de ses expressions faciales. Le BFG est criant d'authenticité et on peut pleinement apprécié la performance toute en émotions de l'acteur, il se montre bouleversant et d'une justesse inouïe faisant de son personnage une des créatures numériques les plus attachantes du cinéma. Par contre, on aurait aimé que les autres acteurs arrivent à nous toucher autant que lui, ce qui n'est pas vraiment le cas. Même si le casting est globalement bon, la jeune Ruby Barnhill, n'est pas aussi convaincante que ceux à qui elle donne la réplique. Elle livre une prestation assez lisse et on peine à se prendre d'affection pour son personnage.
The BFG est un divertissement estival destiné à un jeune public tout à fait honorable, mais il s'impose aussi comme un Spielberg mineur et assez décevant. Voir ce grand cinéaste revenir à un cinéma plus enfantin avait de quoi nous laisser espérer de grandes choses, surtout qu'il s'attaque ici à l'univers passionnant de Roald Dahl, et les promesses de replonger en enfance étaient bien là. Mais ses promesses ne sont pas tenues. Pourtant, on est loin d'être devant un film honteux car malgré son premier tiers assez laborieux, une magie vient se dégager du film et à travers son aspect méta, l'oeuvre arrive vraiment à se montrer attachante et alimente un joli sentiment de nostalgie. La mise en scène est toujours d'une élégance folle tandis que le casting est convaincant même si il est éclipsé par un grandiose Mark Rylance. Car son BFG est vraiment charmant, soutenue par des effets spéciaux impeccables, et on se surprend à avoir apprécié passé du temps en sa compagnie même si on aurait aimé être totalement transporté dans son univers.